Dans le n° 107-juillet 2019  10564

L'intergénération n'est pas une idée, c'est du vécu !

« Les idées ne sont pas faites pour être pensées, mais vécues », écrivait Malraux dans La Condition humaine. L'intergénération existe au-delà de tout discours et affirmations idéologiques.

Elle s'exerce avant toute chose au coeur de la famille. C'est ce vécu partagé par la très grande majorité d'entre nous, au sein de nos propres familles, qui donne son caractère universel et si facilement compréhensible à cette notion d'intergénération.

Le concept d'intergénération étend ce lien à l'ensemble de la société, par l'école évidemment où tout passe par cette transmission entre générations, mais aussi par tous les mécanismes d'entraide et d'accompagnement social, par les petits services que chacun se rend entre voisins, et plus largement par ce sentiment d'une histoire commune à transmettre et à enrichir par les échanges entre les citoyens de tous âges et de toutes conditions. Souvent l'intergénération prend tout son sens, ou tout son manque, sur les territoires de vie, là où le quotidien se déroule.

Au sein de l'entreprise l'intergénération est un combat

Non pas en raison de difficultés entre les âges mais surtout par l'éviction des plus âgés, institutionnalisée pendant plus de 30 ans par les pré retraites et aujourd'hui par le chômage des seniors, et par la difficulté croissante d'une partie des jeunes, en particulier les moins qualifiés, à trouver un emploi.

Dans le monde de l'entreprise, les représentations y restent très lourdes : vision négative des jeunes et forte déconsidération pour les seniors et l'expérience.

Reste que les évolutions sont là

La fracture numérique laisse place à une réciprocité. Les retraités sont aussi des mentors pour les plus jeunes. A l'inverse, les jeunes viennent régulièrement à la rescousse des plus âgés. Qui n'a pas entendu un grand-père raconter admiratif comment sa petite fille a remis en marche en 2 minutes son téléphone portable ?

Pour autant, la tentation est grande d'opposer les générations, d'évoquer des inégalités d'âge plutôt que d'aborder la question sociale, de professer un certain mépris pour les aînés, les moins agiles avec la modernité, les technologies, le nouveau monde, les plus fragiles et malades... Le risque réside aussi dans une forme de ségrégation des territoires, de villes séparées entre quartiers de jeunes et quartiers de vieux. La mythologie des générations et de différences imaginaires entre les générations continuent d'irriguer les discours convenus. Certains parient sur une guerre des générations au risque de la barbarie.

La force de l'intergénération réside dans la valorisation de la réciprocité et de la transmission

La prise de conscience de notre interdépendance et de la nécessité d'être en lien bienveillant avec l'autre, et la satisfaction éprouvée grâce à ce lien entre générations, rendent l'intergénération si précieuse. L'intergénération ne s'impose pas, elle se construit, entre les personnes, sur les territoires...

Serge Guerin

Sociologue, professeur à l'Inseec SBE, dirige le Master « Directeur des établissements de santé » et vient de publier Les quincados, Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.