Dans le n° 26-novembre 2012  -  Problématique du vieillissement  1059

Entre domicile et EHPAD, une troisième voie se fait (enfin) jour

En réfléchissant en termes d'environnement, d'adaptation de la société et du logement au vieillissement ... Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées et à la perte d'autonomie, sort de l'alternative domicile/établissement. Réaction de Claudy Jarry, président de la FNADEPA, défenseur depuis longtemps de la " troisième voie ".

Que pensez-vous de l'angle choisi par la ministre en charge des personnes âgées à savoir l'adaptation de la société au vieillissement ?

Le sujet est bien posé sur le plan intellectuel. Le vieillissement de la population est un problème sociétal et je le dis depuis longtemps. Ce n'est pas dans la politique des soins de ville ou dans la loi de janvier 2002 qu'il se résoudra, surtout pour les personnes en forte perte d'autonomie. À l'inverse, si on agit sur l'environnement, le logement, son implantation, si on place la personne dans un environnement social porteur, si on réfléchit aux aidants naturels et aux aidants potentiels - par exemple les " jeunes vieux " qui sont disponibles, on peut améliorer la qualité de vie des personnes en perte d'autonomie. En agissant sur le volet social, l'arrivée de la perte d'autonomie se fera plus tard et elle sera moins coûteuse. Toutefois, le jour venu, la prise en charge de la perte d'autonomie et de ses coûts restera importante.

C'est une approche nouvelle ?

Oui. J'étais déjà intervenu dans ce sens devant Michèle Delaunay lors d'une réunion d'une CNRPA et je pense que cela a fait écho. Si un élu est entouré de personnes qui ne sont pas toutes issues du soin, il peut envisager des solutions nouvelles. D'autant que les élus sont interrogés sur la question du vieillissement au quotidien dans leur ville, leur canton, leur département...

L'approche est nouvelle, logique, pertinente et elle garantit une place plus digne à la personne âgée dans son environnement. Toutefois c'est une voie complexe... Créer une CSG, remettre les fonds à la CNSA, construire ou médicaliser les maisons de retraite, financer les services à domicile, c'est coûteux mais simple. Agir sur la société, les soins, la politique de la ville, l'accessibilité de la ville, l'accessibilité aux logements sociaux..., c'est plus délicat. Cela demande à mobiliser beaucoup plus d'acteurs.

Le secteur du handicap est-il une référence dans cette approche transversale ?

Oui, même si tout n'est pas acquis dans le secteur du handicap. Le handicap survient souvent quand la personne est jeune, les parents sont donc jeunes aussi et ils se battent. De leur côté, les jeunes handicapés se battent pour avoir accès au travail, aux magasins, au sport... Dans le secteur du grand âge, c'est différent. Ce ne sont pas les vieux qu'on écoute sur cette thématique. De toute façon, la problématique se pose autrement. Le jeune handicapé veut vivre comme tous les jeunes de son âge et il va aller vers la ville telle qu'elle est. À l'inverse, la personne âgée en perte d'autonomie veut pouvoir rester dans un environnement porteur. Elle évoluera dans de bonnes conditions si elle est dans un environnement signifiant pour elle.

Actuellement l'inadaptation du logement, de l'environnement, conduit à une rupture du lien social, laquelle accélère la perte d'autonomie...

On est face à une problématique de logement inadapté dans lequel la personne est restée trop longtemps. Et face à un accident banal, fracture du col de fémur..., la personne se retrouve à l'hôpital puis en maison de retraite. Tous les acteurs essaient de travailler ensemble mais jusqu'à présent il y a plus de paroles que d'actes. De toute façon, les hôpitaux sont de moins en moins une réponse de proximité, beaucoup de structures de service à domicile sont en difficulté, les aides pour l'adaptation du logement sont méconnues et insuffisantes... En conséquence, poser la question du vieillissement par l'adaptation de la société ne peut être que bénéfique. Attention, si la pente est pertinente, elle est ardue et remet en cause les raisonnements classiques. Après la canicule, les politiques publiques ont d'abord soutenu les maisons de retraite, puis les services à domicile. Maintenant, après une période de désintérêt, on revient aux logements-foyers parce qu'ils correspondent à un besoin et qu'on ne peut pas faire sans eux. Les réponses doivent être plurielles, dans un continuum de prise en charge. La perte d'autonomie est diverse dans sa forme et surtout elle est vécue différemment selon qu'on habite à la ville, à la campagne, selon la proximité des enfants... La perte d'autonomie est plurielle car les aspirations des personnes sont plurielles. Il faut donc des maisons de retraites, des logements- foyers, un domicile fort, un environnement ouvert, la présence de médecins, ce qui soulève la question de la démographie médicale.

Concrètement, quelles peuvent être les nouvelles formes de domicile ?

La " troisième voie " me semble être illustrée avec des résidences-services sociales. " Sociales " car ce que l'on connaît actuellement des résidences-services, c'est l'accès à la propriété ou des loyers sinon élevés, du moins soutenus. Il faut créer des résidences-services à prix très accessibles, avec des logements adaptés et ouverts sur la ville. Il y a pour l'heure peu de réalisations dans ce domaine, il y a surtout des projets. Le département du Gard vient de boucler un appel à projets intitulé " Maisons en partage ". Il s'agit de construire des appartements locatifs individuels regroupés, dans un immeuble ou dans un quartier, qui allient vie privative et vie collective, adaptation à la perte d'autonomie et ouverture sur la ville. Ces logements s'adressent à un public de personnes adultes handicapées et âgées répondant à trois critères : être en situation de manque ou de perte d'autonomie, avoir un projet de vie préservant leur maintien à un domicile, ne plus pouvoir demeurer dans leur logement, de par son isolement ou son inadaptabilité. Les porteurs de projet peuvent être les collectivités locales, les CCAS (centre communal d'action sociale), les associations, les bailleurs sociaux, les établissements et services sociaux et médico-sociaux ou sanitaires. La Carsat (caisse d'assurance retraite et de la santé au travail), la MSA (mutualité sociale agricole), l'ARS (agence régionale de santé)... pourront s'impliquer dans le montage financier et financer un ou deux postes, et ce dans une structure collective ne relevant pas de la loi du 2 janvier 2002 ! Actuellement, à la Croix-Rouge, nous travaillons sur plusieurs projets de résidences-services sociales. Avec l'aide des PLAI (prêt locatif aidé d'insertion), le loyer d'un logement devrait se situer autour de 400 euros !

La question de la solvabilisation de l'usager semble au coeur du sujet.

Oui. Jusqu'à peu, nous nous inscrivions dans un mouvement issu des " 30 glorieuses ", un mouvement où on va de l'avant. Nous sommes maintenant à un moment-charnière de l'histoire de notre pays où les choses vont stagner voire régresser. Ainsi, le niveau des retraites va diminuer... Quand on pense une solution aujourd'hui, il faut se demander quelle va être l'accessibilité financière pour les usagers dans 10 ou 15 ans. Pouvoir payer son loyer redonne de la dignité aux personnes âgées. Avec l'APL (aide personnalisée au logement), ce sera possible dans les résidences-services sociales, et il restera, même sur les petites retraites, de quoi acheter le journal et le lire au café. Rester un citoyen à part entière, c'est cela l'approche sociétale du vieillissement ! Notons qu'elle ne dispense pas d'engager des financements dans le sanitaire et les dispositifs existants...

Comment se situent les directeurs d'EHPAD face à cette troisième voie ?

La FNADEPA est centrée sur l'usager, pas sur le corporatisme. Le rôle d'une fédération n'est pas que de faire du lobbying et de demander des financements. Bien sûr les EHPAD vont avoir besoin de davantage de médicalisation car la dépendance des personnes résidents va s'accentuer mais une fois encore, la solvabilité risque de ne pas être au rendez-vous. La FNADEPA se veut force de proposition. Elle sensibilise les esprits. Aussi de plus en plus de directeurs s'ouvrent à ces nouvelles formes d'accueil qui les renvoient à ce qu'ils faisaient il y a dix, vingt ou trente ans. De nouveaux publics, plus autonomes, des relations différentes, des fonctionnements innovants... tout cela vient enrichir le métier. La troisième voix est une chance pour tous !

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