Dans le n° 70-juin 2016  - Bruno Lesourd, gériatre et nutritionniste  5703

Comment repérer et corriger un déficit nutritionnel ?

Les personnes âgées ayant un déséquilibre nutritionnel doivent faire l'objet d'une attention vigilante de la part du personnel des EHPAD, et d'un projet de vie mariant alimentation adaptée et exercice physique.

Comment repérer un déficit nutritionnel. La pesée est-elle un outil suffisant ?

Un déficit nutritionnel apparait quand il existe une différence entre les apports énergétiques (alimentation) et les dépenses énergétiques. Quand ces apports sont insuffisants, ils entrainent progressivement une dénutrition. Celle-ci va être la source de nombreuses complications ou décompensations des pathologies en cours si elle n'est pas rapidement compensée en corrigeant les apports ingérés.

Cinq paramètres sont utiles pour repérer une dénutrition et pour quantifier son importance : le poids, l'IMC, les ingesta, certaines protéines sanguines et le MNA.

On peut être dénutri parce qu'on est maigre (petit IMC), parce qu'on perd du muscle (perte de poids), parce qu'on ne mange pas assez (faible ingesta) ou parce que notre métabolisme protéique est diminué (albumine basse). Ce dernier critère est indispensable pour repérer les résidents obèses (ou en surpoids) dénutris qui représentent entre 10 et 15% des résidents d'EHPAD.

Qu'entend-on par soins nutritionnels ?

Un sujet dénutri doit augmenter ses apports alimentaires, de façon à ce que la personne consomme plus d'énergie et plus de protéines, qui sont les deux besoins majeurs des personnes âgées dénutries.

Pour cela il faut que la personne mange plus et notamment plus de protéines.

On peut servir plus spécifiquement ce que la personne aime (elle mangera mieux) parmi les plats riches en protéines (les laitages et fromages riches, mais aussi plats composés à base de viande, poisson ou fromage comme les gratins).

On peut préparer de l'alimentation enrichie qui permet d'avoir une alimentation plus dense et donc d'absorber plus avec le même volume alimentaire. C'est ce qui est le plus efficace en EHPAD. Toutes les cuisines d'EHPAD devraient pouvoir faire de l'alimentation enrichie. Il suffit d'ajouter du lait, du fromage, des oeufs.... dans les préparations. Il existe de très nombreuses recettes faciles à réaliser. Cela peut concerner les entrées, les soupes, les plats principaux, les desserts...

On peut aussi modifier le rythme alimentaire de la journée en incluant des collations supplémentaires (ou plus riches). Les collations nocturnes sont particulièrement appréciées des résidents et permettent souvent un meilleur réendormissement.

On peut aussi donner des compléments alimentaires (CNO), mais cela doit être transitoire et n'est pas toujours bien apprécié des résidents (et donc consommé). Il faut présenter cela comme un traitement de la dénutrition et non comme une partie de l'alimentation. Il en existe de toutes sortes, liquide, crème dessert, soupe... On choisit ceux qui correspondent le mieux au résident en n'omettant pas d'en changer régulièrement car la lassitude arrive vite.

Dans les cas les plus graves, il faudra recourir à l'alimentation artificielle (entérale surtout) qui nécessite une hospitalisation temporaire.

Pour savoir si ce qui est entrepris est efficace il faut surveiller régulièrement la consommation alimentaire des sujets et leur équilibre métabolique avec de façon précoce la préalbumine et de façon plus prolongée l'albumine et le poids.

Enfin la dénutrition est presque toujours associée à une déshydratation en gériatrie (et réciproquement). On devra donc veiller à des apports hydriques suffisant.

Comment dans un EHPAD corriger les facteurs de risques ?

Les facteurs de risque de dénutrition sont très nombreux en gériatrie: les maladies qui toutes peuvent avoir des conséquences nutritionnelles(anorexie temporaire mais aussi augmentation des besoins en cas d'hypercatabolisme), mais le vieillissement en soi et les changements d'habitude ont aussi des répercussions : diminution de l'appétit, satiété précoce, modification du goût et de l'odorat, difficulté masticatoire ou de déglutition, changement de plats (pas toujours appréciés ou adaptés au goût de chacun), horaires imposés...

L'entrée en EHPAD entraine aussi des changements au niveau des activités physiques, ce qui aboutit souvent à une réduction de celles-ci et conduit parfois à une accélération de la sarcopénie.

Les EHPAD ont comme mission de maintenir le meilleur état de santé possible pour leurs résidents. Cela passe par deux domaines prioritaires : MANGER et BOUGER! Chaque résident doit avoir dans son projet de vie un programme d'activité physique adapté à ses capacités et un programme alimentaire adapté. Ceux-ci doivent être surveillés quand à leur efficacité et changés régulièrement si besoin.

Y a t-il une évolution des recommandations par rapport au PNNS ?

Le PNNS définit très bien ce qu'il faut pour les personnes âgées, tant au niveau du domicile que pour les personnes dépendantes qu'elles soient chez elles ou en EHPAD. Il existe des guides pour cela et même un guide pour les professionnels de santé.

Le SFGG a diffusé des guides Mobiqual sur l'alimentation et l'activité physique en EHPAD qui complètent, de façon très pratique, les guides du PNNS.

encadré

Paramètres pour repérer la dénutrition

Le poids : toute perte de poids non volontaire traduit chez une personne âgée une perte presque exclusive de masse maigre (muscle) et donc une aggravation de la sarcopénie (perte de masse musculaire liée à l'âge). On parle de dénutrition si celle-ci atteint 5% du poids en 1 mois et de dénutrition sévère si cette perte dépasse 10% en 6 mois. Rappelons que le poids doit être mesuré chez tous les résidents une fois par mois.

L'index de masse corporelle (IMC) : c'est le rapport poids sur taille2 (en kg/m2) qui mesure la corpulence corporelle. Un IMC bas traduit un état de maigreur et donc une dénutrition. En dessous de 21,0 kg/m2, on parle de dénutrition et en dessous de 18 kg/m2 de dénutrition sévère. Attention les seuils pour les plus de 60 ans sont plus élevés que chez les sujets plus jeunes. Il faut aussi faire attention car certains sujets ont été maigres toute leur vie et malgré leur maigreur peuvent être en équilibre nutritionnel; mais ils sont très fragiles en cas d'agression.

Les ingesta : c'est la mesure quantitative et qualitative de ce qui est ingéré. C'est la mesure des apports nutritionnels, indispensable pour quantifier le déséquilibre entre apports et dépenses énergétiques. Pour cela il faut noter tout ce qui est absorbé dans une journée puis le quantifier à partir de tables. Cela doit être fait sur 3 jours consécutifs et il existe pour ce recueil des tableaux diffusés par le ministère ou dans le programme Mobiqual de la SFGG. On parle de dénutrition quand ces apports représentent moins des 2/3 des besoins du sujets (30 kcal/kg/j), c'est-à-dire quand ils sont inférieurs à 20 kcal/kg/j. On parle aussi de dénutrition quand ces apports sont faibles (< 1500kcal/kg/j) car ils ne permettent plus de couvrir les apports en micronutriments (oligo-éléments et vitamines) ce qui va fragiliser progressivement les défenses de l'organisme.

Les protéines sanguines dites nutritionnelles : Albumine et préalbumine ou transthyrétine. Elles traduisent le niveau de synthèse protéique par le foie et donc le niveau métabolique du corps. L'albumine traduit celui-ci sur une longue période alors que la préalbumine le traduit sur quelques jours. On parle de dénutrition si l'albumine sérique est < 35 g/L et de dénutrition sévère taux d'albumine si elle est < 30g/L. Attention ces niveaux sont très dépendants de l'état d'hydratation et de l'état inflammatoire du sujet. C'est la raison pour laquelle quand on pratique un dosage d'albumine, il faut aussi demander un état inflammatoire en dosant la CRP et un état d'hydratation en mesurant le sodium ou l'hématocrite.

Le Mini Nutrional Assesment est un questionnaire-test surtout utile au domicile.

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