Dans le n° 113-février 2020  - L'emploi demain ?  10874

Au delà de la réforme des retraites, la question de l'emploi des seniors

A mesure que notre espérance de vie a augmenté, notre espérance de vie professionnelle a diminué. Il y a comme un paradoxe.

Les jeunes les moins qualifiés restent sur le pas de la porte des entreprises ; d'autres, plus diplômés, multiplient stages et apprentissages avant de pénétrer dans l'entreprise.

Côté seniors, dès 45 ans, compliqué de rester en emploi. Et après 50 ans, guère de chance de retrouver un job stable ou de continuer de se former. Aujourd'hui plus de 50 % de ceux qui font valoir leur droit à la retraite sont déjà hors de l'emploi. Cette réalité est un sacré angle mort du débat sur la réforme des retraites...

La France doit faire face à certaines spécificités : faible valorisation des services, retard en termes de robotisation, démographie tonique qui conduit à ce que beaucoup de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, image très dégradée des seniors...

Que sera l'emploi demain ?

Si les prévisions sur l'évolution des emplois sont très divergentes, les experts s'accordent sur le fait qu'une partie d'entre eux vont disparaître et que de nombreux autres, vont éclore.

Alors, quelque soit la puissance de ces transformations, la question de la répartition du travail, concerne d'abord la qualification, la compétence. Toutes les études depuis les années 1970 montrent qu'en termes d'insertion professionnelle, la ligne de fracture concerne le niveau et, surtout, la valeur du diplôme. Les jeunes sont réputés plus aptes à l'innovation, plus modernes... Sale temps demain pour les seniors ? Mais y aura-t-il suffisamment de personnes compétentes, pour faire l'économie du savoir-faire des seniors ?

Que sera l'emploi demain ?

Un non sujet, si l'on suit celles et ceux qui règlent la question en évoquant la fin du travail, l'instauration d'un revenu universel, la société des robots...

Dans cette optique, plus de sujets, plus d'histoires et aucune opposition entre jeunes et vieux puisque toutes les générations seront logées à la même enseigne. Sale temps pour l'emploi...

Que sera l'emploi demain ?

La société qui vient sera à la fois plus complexe, plus performante, plus exigeante, mais aussi plus vieillissante et fragilisante... Aussi, le besoin devrait être croissant pour des personnes, de tous les âges, disposant de savoir-être, formés aux soft skills , sensibles à la préservation de l'éco-système, capables d'accompagner les âgés et les fragiles. Ces métiers concernent aussi bien le monde de la santé, de l'accompagnement social, de la protection, de l'enseignement et de l'éducation... Ils renvoient au sens large au care et à une logique de prévention. Beau temps pour l'emploi. Disposer d'un minimum d'expériences serait plutôt un avantage pour s'acquitter de telles missions.

Une des spécificités du rapport au travail à la mode française concerne l'impression d'être peu autonomes et encore moins écoutés ou influents sur la stratégie de leur entreprise ou de leur service. Avec l'âge, la demande de considération et d'influence augmente et peu inquiéter du côté des dirigeants... Mauvais temps pour l'emploi des seniors...

L'affrontement entre jeunes et seniors n'est pas écrit. Tout dépendra si nous laissons la société Française continuer de se fragmenter ou si nous inventons un projet partagé fondé sur l'accompagnement.

Serge Guérin

Professeur à l'Inseec SBE directeur de MSc « Directeur des établissements de santé ». Auteur de Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et co-directeur de Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et Contre ?, Michalon, 2019

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.