Dans le n° 138-avril 2022  - Interview  12807

« Les contraintes RH et budgétaires des Ehpad prennent le pas sur la nécessaire individualisation de l'alimentation »

Diététicienne spécialisée en psychonutrition, déléguée générale de l'Institut Nutrition, fondation Restalliance et membre de la Société française de nutrition, Anne Moreau répond aux questions de Géroscopie sur l'étude.

Quelles ont été les motivations de cette étude prospective ?

J'ai eu l'idée de ce travail en pensant à mes propres parents qui, s'ils devaient résider en Ehpad, n'accepteraient pas certaines règles actuelles. Ils refuseraient par exemple de dîner à 18h30, de ne pas pouvoir choisir leur accompagnement ou leur place à table. Je pressens une « révolution à venir ». Il s'agit de décrypter à temps les évolutions sociétales pour imaginer les solutions de demain. Il nous faut réinventer l'offre de services et de produits pour bien appréhender la question de l'alimentation des seniors : ce rapport s'inscrit dans cette exigence.

Comment les seniors de demain se démarqueront-ils ?

Les aînés qui auront entre 70 et 90 ans en 2030 sont nés après la guerre. Ils portent les valeurs de l'autonomie, du bien-vieillir et de la convivialité, contrairement à leurs parents, âgés de plus de 90 ans en 2030, nés avant la guerre, habités d'une référence forte à l'autorité et aux institutions. L'appétence pour la prévention de cette génération y compris alimentaire est très forte. Nous devons nous préparer à de nouvelles exigences sur le contenu des assiettes. Ils voudront manger des graines, du local et du bio ! Ce qui tombe bien, car elles sont excellentes sur le plan nutritif. En revanche, il va falloir sensibiliser les personnes végans et végétariennes à la nécessité, à leur âge, d'un apport protéino-énergétique suffisant y compris grâce aux protéines animales.

Quelle est selon vous la priorité d'action des Ehpad ?

Il y a un enjeu gigantesque sur l'organisation et le volet RH (recrutement, attractivité et formation du personnel). L'organisation, notamment du dîner, devra s'adapter à la chronobiologie des résidents et non plus seulement au respect des horaires des aides-soignantes pour éviter un repas anticipé à 18h30. Cela peut paraître anecdotique. Et pourtant ! Laisser la possibilité aux seniors de manger à l'heure qu'ils souhaitent, quand ils ont faim, est l'une des conditions de base pour un retour du plaisir alimentaire.

La formation du personnel de cuisine et de service (institutions ou portage de repas à domicile) est un autre point déterminant car ils sont des maillons essentiels pour accompagner et stimuler le résident dans son alimentation. Pourtant, aujourd'hui, ils n'ont ni le temps, ni les connaissances.

Pour impliquer les personnes, il faudrait faciliter la personnalisation des repas. Les selfs par exemple permettent à chacun de se servir et de choisir parmi un buffet (de desserts ou d'entrées). Hélas, les structures sont tiraillées entre l'intérêt des résidents et celui de l'organisation ; le tout dans des budgets ultra-contraints qui ne favorisent pas la gourmandise. Mais je reconnais volontiers que ce n'est pas simple et qu'il y a beaucoup de bonne volonté des soignants au sein des établissements. Dans le scénario 1, c'est plutôt sur cet aspect que les choses évoluent.

Parmi les deux scenarii envisagés, avez-vous une préférence ?

Dans chaque scénario, nous encourageons la même chose pour lutter contre la dénutrition : le plaisir, la sociabilité autour des repas, des apports nutritionnels adaptés aux besoins spécifiques des seniors, etc., car nous partons du postulat que la nourriture est intimement liée au maintien de la qualité de vie et à la dignité. En réalité, les deux scenarii sont complémentaires : notre idéal serait un mixte parfait.

Le scénario 1 insiste sur l'intervention auprès des plus démunis, qui est absolument indispensable. Le scénario 2 mise sur la prévention. Ce volet est déterminant pour faire reculer la perte d'autonomie. Les seniors doivent avoir à disposition des connaissances fiables, dans un monde où les informations peuvent se transformer en ennemi numéro 1. On entend beaucoup parler du jeûne alimentaire par exemple. Or c'est exactement ce qu'il faut éviter pour les seniors. Ils ont déjà moins envie de manger, 30 à 40 % d'entre eux sont dénutris et tous sont à risque de dénutrition, rappelait le Pr Éric Fontaine (président du collectif de lutte contre la dénutrition) ! Je suis à titre personnel très engagée dans la transition alimentaire, mais l'arrêt de la consommation de viande, comme on l'entend aussi, peut avoir un impact majeur si les aidants familiaux portent ce type de recommandations à leurs parents de 90 ans. Les protéines, notamment d'origine animale, deviennent un nutriment essentiel dès 65 ans. Les aides à domicile comme tous les professionnels du grand âge sont des maillons déterminants de la pédagogie alimentaire.

05/09/2025  - Santé

Maladies neurodégénératives : une nouvelle stratégie nationale pour 2025-2030

Le Gouvernement présente une nouvelle stratégie nationale pour la période 2025-2030 dédiée aux maladies neurodégénératives.
05/09/2025  - Ehpad

Pharmaciens en colère : vers l'arrêt de la préparation des piluliers gratuite

Les syndicats appellent à « l'arrêt des services réalisés gratuitement en faveur des Ehpad, en attendant d'obtenir une grille tarifaire respectueuse du service officinal rendu ».
04/09/2025  - Décret

Accueil de jour : assouplissements pour les Ehpad de moins de 60 places

Un décret supprime l'obligation de 6 places minimum et de locaux spécifiques pour les petits Ehpad et PUV.
03/09/2025  - PLFSS 2026

La FHF plaide de nouveau pour une loi de programmation pluriannuelle

« Dans un contexte politique national profondément bousculé, la santé doit rester au coeur des priorités politiques » a insisté Arnaud Robinet, son président.
02/09/2025  - Recherche

Baxdrostat : un nouvel espoir pour l'hypertension artérielle

L'administration quotidienne de cet inhibiteur de la synthèse de l'aldostérone a prouvé son efficacité chez des patients avec hypertension non contrôlée ou résistante.
02/09/2025  - CNSA

IA : la feuille de route 2025-2026 de la branche Autonomie

Cette feuille de route veut faire de l'IA un nouvel outil pour améliorer le quotidien des professionnels et la qualité du service rendu aux personnes.
01/09/2025  - RH

Vers la généralisation des plateformes des métiers de l'autonomie

La CNSA a évalué 24 mois de fonctionnement à titre expérimental des plateformes des métiers de l'autonomie dont elle va accompagner la généralisation d'ici 2027.
01/09/2025  - Démocratie

Les comités de résidents : donner la parole et renforcer la démocratie en santé

À l'Ehpad d'Alboussière, la participation des usagers ne se limite pas à un simple rituel : c'est un outil clé de dialogue et de gouvernance. Inspirée par le modèle québécois, la structure veut renforcer ce dispositif pour donner encore plus de poids à la voix des résidents.
25/08/2025  - Soin

Alzheimer : feu vert de l'Agence européenne du médicament pour le Kisunla

La mise sur le marché du donanemab contre Alzheimer reçoit un avis favorable européen