Sous l'impulsion notamment du programme « Hôpital numérique » 2012-2017, les établissements de santé ont déjà franchi le pas de la digitalisation. Qu'en est-il des EHPAD ? Si les établissements doivent être prêts à faire face à la transition démographique (vieillissement de la population), à la transition épidémiologique (explosion des maladies chroniques et augmentation significative du nombre de personnes dépendantes), à la transition écologique (développement durable), ils sont amenés - dès aujourd'hui - à s'engager également dans la transition numérique du système de santé français.
Digitalisation des EHPAD : c'est déjà demain !
Présentée fin décembre dernier, la stratégie nationale de santé 2018-2022 compte parmi ses grandes orientations l'innovation technologique. « Les promesses du numérique doivent être saisies par les professionnels de santé afin de développer l'accès à une médecine innovante et de qualité sur l'ensemble du territoire », souligne ce programme, qui s'inscrit, sur ce point, dans la continuité de la précédente stratégie nationale e-santé 2020 de Marisol Touraine. Pour ce faire, plusieurs axes restent à développer : « assurer la bonne couverture numérique du territoire, et notamment de chacun des établissements de santé et médico-sociaux » ; « généraliser dans la pratique quotidienne l'usage de la télémédecine, en premier lieu les téléconsultations et les télé expertises » ; « favoriser le partage sécurisé des données médicales entre les professionnels de santé en développant l'interopérabilité des systèmes d'information et la mise en commun des dossiers au travers du dossier médical partagé ». Les EHPAD ont, bien entendu, leur place à prendre dans cette digitalisation du parcours de santé et sur les territoires de soins numériques.
A deux vitesses
Néanmoins, pour les maisons de retraite, l'enjeu de la digitalisation ne se limite pas à la santé et les déclinaisons sont nombreuses. Absentéisme, turn-over, nombre d'accidents du travail supérieur au secteur du BTP, troubles musculo-squelettiques (TMS) : les solutions numériques (domotique, informatique, robotique...) peuvent contribuer grandement à améliorer les conditions de travail du personnel. Les effets bénéfiques secondaires mais capitaux seraient une meilleure qualité de l'accompagnement des résidents et une plus forte attractivité des métiers du grand âge. Le développement du e-learning, des MOOC (Massive Open Online Course) et des serious game - reposant demain sur la réalité virtuelle et augmentée - seront un tournant décisif en matière de formation pour les professionnels du secteur médico-social. Enfin, dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, la digitalisation des EHPAD s'inscrit également dans une politique de réduction des coûts de la prise en charge des résidents. Il sera toutefois difficile pour le parc immobilier vieillissant des EHPAD publics et privés non lucratifs de mettre en oeuvre la digitalisation du bâtiment, "smart building", afin d'optimiser notamment la consommation énergétique et le pilotage des coûts de maintenance du patrimoine.
Le risque pour les EHPAD est de voir apparaître une transformation numérique à deux vitesses. Pour les grands groupes associatifs, mutualistes ou du secteur privé commercial s'engager dans la voie de la digitalisation est plus aisé car ils disposent de fonctions support telles qu'une direction des systèmes d'information (DSI) et d'une cellule "innovation" pour accompagner les établissements. Dans le secteur public, les EHPAD qui ont rejoint un Groupement hospitalier de territoire (GHT) pourront, dans le sillon des hôpitaux, opérer une convergence globale de leurs activités vers le numérique et de leurs systèmes d'information.
Le virage numérique sera certainement plus difficile à négocier pour les petites associations gestionnaires d'EHPAD.