29/11/2018  -  Fin de vie  10205

Sédation profonde et continue jusqu'au décès :  le dispositif peine à se mettre en place sur le terrain

La loi du 2 février 2016 a ouvert la possibilité pour les patients de demander l'accès, sous certaines conditions, à la sédation profonde et continue jusqu'au décès. Elle a donc ouvert « un droit » nouveau dont beaucoup se demandent s'il s'installe bien sur le terrain, s'il est connu de ceux qui pourraient en bénéficier et si les équipes soignantes sont à l'aise pour la proposer et la mettre en oeuvre.

Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, ayant au titre de ses missions celle de participer à l'évaluation des politiques publiques en matière de fin de vie, a mandaté un groupe de travail pour tenter de recueillir des éléments utiles en réponse à ces questions. Sous la direction du Pr René ROBERT, réanimateur et vice-président du Centre, ce groupe vient de conclure ses travaux.

Le premier constat est que la sédation profonde et continue jusqu'au décès (SPCJD) peine à se mettre en place sur le terrain. Il y est peu fait recours. On sent une certaine frilosité des équipes soignantes à la mettre en oeuvre, engendrant de l'incompréhension, voire parfois de la colère chez les familles qui ont essayé de l'obtenir pour leur proche en fin de vie et qui avaient compris que c'était un droit devenu acquis depuis la loi de 2016. En matière de sédation, la tension est souvent devenue assez palpable sur le terrain, dès que le mot est prononcé, si bien que même l'accès à des pratiques sédatives plus banales, qui ne posaient aucune question éthique jusque-là, semble s'en trouver atteint.

Le groupe a tenu à explorer précisément les différentes situations médicales susceptibles d'avoir recours à la SPCJD : les difficultés sont-elles les mêmes en réanimation, en neurologie, en gériatrie, en soins palliatifs ou en médecine de ville ? Il a auditionné différentes associations de patients en lien avec des familles. Il a aussi établi une analyse approfondie de la littérature internationale et auditionné des experts étrangers pour vérifier si les difficultés signalées sont propres à la France ou non.

Ce travail en profondeur l'a amené à identifier 7 paradoxes qui sont possiblement à l'origine des difficultés constatées :

· Paradoxe 1 : Alors que l'ambition de la loi était de faciliter l'accès des patients à une sédation en fin de vie, il semble qu'elle ait plutôt eu un effet inverse en introduisant le terme de sédation profonde et continue jusqu'au décès . En effet, celui-ci est compris de façon diverse par les uns et les autres, au plan à la fois pratique et conceptuel.

· Paradoxe 2 : Alors que la loi différencie la sédation profonde et continue jusqu'au décès de l'euthanasie, sur le terrain divers symptômes montrent que nombreux sont ceux qui font mal la différence entre les deux pratiques et considèrent la sédation profonde et continue jusqu'au décès comme un flirt avec le faire mourir .

· Paradoxe 3 : La loi a confié la mise en oeuvre de la sédation profonde et continue jusqu'au décès aux experts en soins palliatifs. Or un certain nombre d'entre eux sont réservés vis-à-vis de cette pratique, estimant qu'elle n'est pas la plus conforme à l'accompagnement qu'ils souhaitent apporter aux patients en fin de vie.

· Paradoxe 4 : En règle générale, le médecin propose un traitement que le patient peut accepter ou refuser. En donnant au patient le droit de demander l'accès à la sédation profonde et continue jusqu'au décès, la loi favorise une certaine confusion des rôles au sein de la relation médecin-malade. Le médecin se sent avoir la main forcée, ce qu'il n'aime pas, d'autant plus qu'il s'agit d'une pratique éthiquement sensible.

· Paradoxe 5 : Il y a un risque d'incompatibilité entre le temps du malade en fin de vie qui, lorsqu'il demande à avoir accès à une sédation profonde et continue jusqu'au décès, la souhaite rapidement, et la lourdeur de la procédure que le médecin doit suivre pour la mettre en oeuvre s'il veut respecter les recommandations.

· Paradoxe 6 : La loi précise que la sédation profonde et continue jusqu'au décès doit pouvoir être accessible à tout un chacun, y compris ceux qui veulent mourir chez eux, à domicile. Mais rien n'a été fait pour donner aux médecins généralistes les moyens que ce droit devienne effectif en ville : médicaments non disponibles, insuffisance de moyens logistiques, organisationnels et humains.

· Paradoxe 7 : Pour toutes ces raisons, alors que la loi a eu pour intention de favoriser l'accès pour tous à des soins et à un accompagnement de qualité en fin de vie, des inégalités d'accès persistent sur le terrain, voire se creusent, en fonction des situations et des spécialités.

En conclusion de ses travaux, le groupe suggère plusieurs pistes de travail pour aider à une meilleure acceptation/implantation de la pratique sur le terrain :

· Ne pas méconnaître les ambiguïtés éthiques inhérentes à cette pratique, débattre à leur sujet et accepter que certains professionnels soient résistants à la pratiquer, estimant que ce n'est pas ainsi qu'ils souhaitent accompagner leurs patients à mourir ;

· Organiser l'accès à la sédation profonde et continue jusqu'au décès de façon à ce que les patients ne soient pas otages de la position des professionnels et qu'ils puissent y avoir accès partout sur le territoire et de manière égalitaire, quelle que soit la spécialité médicale par laquelle ils sont pris en charge ;

· Poursuivre et intensifier les actions de formation/information à destination des professionnels pour rendre la pratique moins anxiogène permettant d'en parler sur le fond au plan conceptuel et sur l'aspect concret de la mise en oeuvre ;

· Discuter de la pertinence d'un système d'astreinte téléphonique pour offrir collégialité et coaching technique à ceux qui le souhaiteraient sur l'ensemble du territoire ;

· Poursuivre le suivi du développement de cette sédation sur le terrain par des enquêtes réitérées, de façon à s'habituer à évaluer de façon plus systématique et plus rigoureuse les conditions de la fin de vie en France. Ces enquêtes contribueront à sensibiliser l'ensemble des professionnels sur ce nouveau droit des patients et les inciteront à se former pour savoir y répondre.


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