Dans le n° 85-octobre 2017  7564

N'oubliez pas la transition démographique !

Pour la première fois depuis les ministères Raffarin 2002-2005, le Gouvernement ne compte pas de responsable en charge des aînés. Pour la première fois, un président de la République explique combien les retraités " aisés " doivent être plus fiscalisés par solidarité avec les jeunes.

Ces deux faits marquent-ils un désintérêt pour les problématiques du grand âge et une vision de lutte des âges destinée à remplacer la lutte des classes ? Ou au contraire, manifeste-t-elle une volonté d'aborder la transition démographique de manière transversale et d'inventer de nouvelles approches et manières d'impliquer toutes les générations ? Ce serait, pour le coup, une formidable nouvelle !

La transition démographique, élément déterminant

A côté des deux transitions, énergétique et numérique, une troisième ne doit pas être oubliée : la transition démographique. Comme les deux autres, elle implique de réinventer notre rapport aux ressources (en ce cas publiques...), d'en rechercher de nouvelles et de transformer les comportements. Il est de tradition de placer les questions liées à la société de la longévité sous l'ombrelle du ministère de la santé et des affaires sociales. Comme si la question de l'allongement de la vie se résumait à la maladie et à la grande perte d'autonomie...

En termes de question sociale, le financement des retraites reste un sujet, certes économique, mais d'abord de représentation et de comportement. Côté ministère de la santé, on veut cependant croire que la prévention deviendra une priorité. L'alimentation, l'exercice physique et intellectuel, la protection face à la pollution sont des éléments déterminants pour réduire les risques de perte d'autonomie.

Améliorer le service de soin et de suivi

On parle beaucoup de déserts médicaux, d'insuffisance de prise en soin des plus âgés et des plus fragiles. Il y a pour le ministère de la santé, mais aussi celui de la Cohésion des territoires de Jacques Mézard, et pour le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation, un formidable gisement d'amélioration du service de soin et du suivi des personnes en s'appuyant sur l'internet des objets, la télé-médecine, mais aussi via des innovations en termes d'organisation et de meilleure gestion des plannings, de réduction des tâches administratives effectuées par les médecins (dont la division par deux aurait, pour un coût bien moindre, un effet autrement plus rapide et certain que toutes les subventions à l'installation ou toutes les hausses du numerus clausus en école de médecine). Les innovations réalisées par le cabinet médical Ipso santé à Paris en sont un exemple frappant. Le suivi médical personnalisé y est facilité par le doublement du temps réel de soin par heure de consultation des médecins libérés des tâches administratives et par une pratique partagée au sein des équipes de santé.

Vers un volontariat service civique senior

Le ministère de l'éducation est aussi très directement concerné par les enjeux de la société de la longévité. Ne serait-ce que pour renforcer l'intégration dans le personnel enseignant de personnes ayant eu une première vie professionnelle. Pourquoi ne pas s'appuyer sur un vivier important de retraités qui souhaiteraient s'engager dans un volontariat service civique senior au bénéfice de l'accompagnement éducatif des enfants et des jeunes ?

Nous sommes dans une économie capitaliste d'obsolescence programmée des produits mais aussi des humains. Or la société de la longévité nécessite d'inverser la perspective pour mettre en son coeur une politique active de l'accompagnement de tous, et d'abord des personnes fragiles, et de soutien concret des acteurs -aidants bénévoles et professionnels- du " care ".

Serge Guérin

Sociologue, co-auteur de " La guerre des générations aura-t-elle lieu ? ", directeur de MSc " Directeur des établissements de santé ", Inseec Paris

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.