Chef formateur et consultant dans la célèbre maison Ducasse Éducation, Frédéric Moreau est spécialiste du secteur de la santé. Le retour aux bases de la cuisine décuple plaisir et énergie pour les cuisiniers en poste. Interview.
Des formations sur-mesure pour les chefs d'EHPAD
Comment travaillez-vous avec les EHPAD ?
F. Moreau : La demande de formation provient généralement de la maison mère. Dès lors, nous nous rendons dans les établissements pour établir un état des lieux : méthode de travail, produits utilisés, prestations du jour... Tout est examiné. Nous établissons ensuite des préconisations en fonction du niveau de compétences des différents membres de l'équipe. Pour les chefs, nous travaillons la technique, souvent en reprenant les bases. Puis nous accueillons les "dames de service", souvent affectées aux entrées et aux desserts. Enfin la direction des établissements afin de les impliquer dans la démarche. En effet, ce n'est pas parce que le prix du repas n'est pas cher qu'on doit mal manger. Pour réussir ce pari, il faut investir tout le monde d'une mission. Cette démarche de formation dure généralement plusieurs mois. Nous revenons plusieurs fois dans les établissements pour vérifier que les méthodes sont bien appliquées, revoir les chefs... A chaque visite, nous réalisons un compte rendu que nous présentons au client mais personne n'est montré du doigt et les chiffres de réussite ou d'échec sont présentés sous forme de statistiques.
Quelles sont les priorités en cuisine ?
F. Moreau : Nous reprenons tous les fondamentaux de la cuisine car avec le temps et la pression, certains basiques sont parfois oubliés. Un rôti doit d'abord être rôti pour conserver son goût à l'intérieur. Cela paraît évident mais loin d'être une réalité sur le terrain. On délivre des conseils aussi, des techniques pour améliorer les rendus. Un sauté de veau sera meilleur en cuisson lente par exemple, c'est à dire cuit à 85°C durant 3 heures. Il ressort rosé mais l'inertie liée à la chaleur ne le dessèche pas. Une béchamel doit avoir un goût de biscuit. Cela change tout lorsqu'on fait un gratin de chou-fleur. Pour les aider et jouer le jeu, nous utilisons les produits de leurs mercuriales.
Avec les "dames de service", nous travaillons l'organisation (la poubelle ne doit pas être positionnée à 4 mètres de distance), l'assaisonnement. (il faut les inciter à goûter ce qu'elles proposent) et le dressage (les petits éléments -cadres, cercles- facilitent la réalisation d'assiettes nettes et propres. Une balance à portée de main permet aussi de vérifier les quantités servies. On leur recommande de peser une assiette sur 10.
Les établissements sont-ils bien équipés ?
F. Moreau : En général oui, de mieux en mieux. On observe toutefois des variations de niveaux de gamme. Il faut dire qu'un four à cuisson lente peut atteindre 18 à 20 000 euros. C'est un investissement certain pour les établissements. Parfois on peut émettre quelques recommandations, notamment pour les textures modifiées parce qu'il est essentiel que les personnes dont le menu est adapté mangent les mêmes plats que les autres résidents. Certaines machines peuvent changer la texture sans modifier le goût. En présentation, nous recommandons le style weck, des petites verrines transparentes qui permettent d'associer les couleurs, mais sans mélanger les plats. Les pommes de terre jaunes en bas, le sauté de veau ocre au milieu, le jus au-dessus. Et on invite les personnels qui aident les personnes à manger à prendre les trois couches ensemble mais à surtout ne pas mélanger le contenu de la verrine. Car le plaisir est autant dans l'assiette que dans le palais.
Pour en savoir plus : www.ducasse-education.com