Dans le n° 38-novembre 2013  -  Bonnes pratiques  1734

Comment sécuriser la prise en charge médicamenteuse dans votre établissement ?

Le circuit du médicament comporte des risques. La cartographie des maillons faibles et les derniers outils pour déployer de bonnes pratiques en Ehpad

Les résidents consomment en moyenne huit médicaments par jour. Or, au-delà de cinq médicaments, le risque de présenter un effet indésirable est multiplié par deux. Pour preuve: 10 % des hospitalisations chez les personnes de plus de 65 ans et 20% chez les octogénaires proviennent de cette iatrogénie médicamenteuse.

Hit parade des médicaments les plus prescrits

Cinq classes thérapeutiques concentrent plus du tiers des prescriptions. Ainsi, plus de la moitié des résidents en Ehpad consomment des antihypertenseurs, 43% des antidépresseurs, 41% des anxiolytiques, 34% des neuroleptiques, 32% des diurétiques. Par ailleurs, plus d'un quart des résidents suivent des traitements hypnotiques tandis que 18,5% sont sous anticholinestérasiques ou mémantine (1). "Aujourd'hui, la plupart des médicaments sont actifs, et majoritairement à visée cardiovasculaire", observe le Pr. Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie de l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP).

Cartographie des dangers

Chaque étape du circuit du médicament en Ehpad est porteuse de risques. Première étape, les prescriptions médicales: elles donnent lieu à 11% d'erreurs, souvent de dosage ou de posologie. La trop grande variété de médicaments prescrits, les problèmes de lisibilité d'ordonnance manuscrites et les erreurs de retranscription restent incriminées en 2013. Ensuite, la phase de dispensation à la charge du pharmacien est affectée par certains dysfonctionnements dans les maisons de retraite, comme le manque de données biologiques qui permettraient au pharmacien de vérifier et de mieux adapter l'ordonnance lors de la phase de délivrance des doses à administrer. Mais c'est bien à l'étape de préparation (pour 40%) et d'administration (pour 60%) que se concentrent les problèmes en Ehpad (2). Les infirmiers en charge de la préparation des doses à administrer sont fréquemment dérangés dans leurs tâches pour répondre à des tiers ou tout simplement effectuer des soins. Les erreurs liées à la pratique infirmière (et des aides-soignants délégués) vont de la confusion entre résidents à la mauvaise identification de la molécule (noms de principes actifs proches), en passant par des dosages incorrects et des broyages inappropriés.

Les outils pour une gestion plus intégrée de la chaîne du médicament

Selon les agences régionales de santé (ARS), les bonnes pratiques doivent reposer sur le déploiement des outils et une organisation spécifique. Au chapitre des outils, une liste de médicaments préférentiels (livret thérapeutique) est préconisée dans les maisons de retraite médicalisées. Six critères président à son élaboration: la fréquence de prescription, la pharmacologie et la galénique adéquates, le conditionnement, le prix et l'existence de générique. Cette liste "positive" de médicaments, révisée chaque année, contribue à la bonne adaptation des professions de santé amenés à exercer dans votre établissement aux impératifs gériatriques des prescriptions. L'informatisation de la chaîne du médicament de la prescription constitue le second outil prioritaire qui va sécuriser la distribution du médicament dans votre Ehpad. Les logiciels d'aide à la prescription (LAP), désormais certifiés par la Haute Autorité de Santé (HAS), vont permettre de limiter les erreurs de prescription et de mettre en place des fonctions d'alerte automatiques. Ils facilitent, par ailleurs, l'analyse de chaque ordonnance par le pharmacien. Nec plus ultra, le guide d'autodiagnostic du circuit du médicament en Ehpad sans PUI (3) ainsi qu'Inter Diag Médicaments © (4) achèveront d'améliorer une prise en charge médicamenteuse sûre et efficiente de vos résidents.

L'Organisation et les fonctions ressources

Le médecin coordinateur et le pharmacien référent constituent les piliers de la bonne fluidité du circuit du médicament en Ehpad. Le médecin coordinateur s'assure de la traçabilité des interventions des professionnels libéraux avec une retranscription au sein des dossiers de soins de l'établissement. Le pharmacien référent analyse, quant à lui, chaque ordonnance individuelle. Tous deux veillent à la délivrance nominative (soins individualisés aux noms des résidents pour un ou plusieurs jours). Les infirmiers et cadres de santé en Ehpad se concentrent sur l'observance du traitement médicamenteux et surveillent l'apparition éventuelle d'effets indésirables.

Bernard Banga et Nathalie Gnory, MD Report