Avec plus de 850 000 malades, peut-on dire qu'Alzheimer est un défi pour le système de santé ?

Aujourd'hui, nul n'est capable de dire combien il y a de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée en France. Le chiffre que l'on retrouve le plus fréquemment, celui de 850 000, est issu de l'étude Paquid 2004. Seulement 50% des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont diagnostiquées. La première question est donc de savoir combien de personnes sont concernées. La seconde interrogation est : où se trouvent ces personnes sur le territoire ? Selon les enquêtes de l'Observatoire des dispositifs de la Fondation, 37 % sont en institution, 294 000 en EHPAD et 21 000 en USLD. L'une des missions de l'Observatoire est d'avancer dans un premier temps sur ces données.

Les thérapies non-médicamenteuses gagnent du terrain dans les EHPAD. Quelle en est l'efficacité ?

Avant l'horizon 2025/2030, il n'y aura aucun traitement curatif pour la maladie d'Alzheimer. Quatre médicaments sont commercialisés aujourd'hui pour ralentir l'évolution de la maladie et/ou pour améliorer les performances cognitives. En 2012, la Haute Autorité de Santé (HAS) avait considéré l'amélioration du service médical rendu de ces médicaments comme faible. A la Fondation Médéric Alzheimer nous préférons parler d'interventions psycho-sociales plutôt que de thérapies non-médicamenteuses. Il y a celles à visée occupationnelle qui ont pour objectif d'améliorer le confort et la qualité de vie des résidents et les activités thérapeutiques visant à maintenir les capacités résiduelles cognitives de la mémoire, voire développer de nouvelles capacités de mémorisation. Les interventions psycho-sociales montrent sur le terrain qu'il y a une amélioration de la qualité de vie, de certaines performances cognitives. On dispose d'évaluations faites sur la musicothérapie, l'horti-thérapie (jardins thérapeutiques), l'art-thérapie. Par exemple, le Pr Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l'université de Caen, a démontré qu'avec la musicothérapie, certains résidents atteints de la maladie d'Alzheimer pouvaient mémoriser de nouvelles mélodies. Il y a une tendance aujourd'hui à vouloir évaluer de manière scientifique ces interventions psychosociales mais il manque encore une méthodologie rigoureuse qui valide cette efficacité.

La mesure 83 du plan maladies neurodégénératives a justement pour objectif de tester l'efficacité de ces thérapies ..

La difficulté est de savoir qui finance cette recherche. Ce ne sera ni l'Etat, ni l'assurance maladie, ni l'industrie pharmaceutique, ni les assureurs privés. Il faut concevoir un consortium scientifique en sciences humaines et sociales, fédérer une communauté de chercheurs universitaires, des professionnels de terrain qui s'interrogent sur les pratiques, et monter une étude nationale dans plusieurs EHPAD. Dans le plan maladies neurodégénératives, l'essentiel du financement est destiné à la recherche biomédicale. Si on ponctionnait 1 % de ces fonds, cela permettrait de financer les études sur les interventions psycho-sociales. Un financement d'un million d'euros serait nécessaire. Si l'on parvient à démontrer, de manière rigoureuse, l'efficacité et l'efficience de certaines interventions psycho-sociales, les EHPAD pourront alors négocier, dans le cadre des futures conférences des financeurs, le financement de ces interventions et des professionnels formés

L'environnement joue également un rôle essentiel dans la prise en charge des malades d'Alzheimer. Quelles évolutions doivent être apportées dans les EHPAD ?

A l'origine, l'EHPAD est conçu pour accueillir des personnes âgées dépendantes et pas spécifiquement les malades d'Alzheimer. La Fondation Médéric Alzheimer mène une réflexion très spécifique sur l'environnement en termes d'aménagement des espaces, d'architecture et également sur l'environnement social. C'est le programme Eval'zheimer, évalué scientifiquement avec le soutien des fédérations de retraite complémentaire Agirc et Arrco. Par ailleurs, la Fondation Médéric Alzheimer est partenaire, depuis 2008, du Prix CNSA " Lieux de vie collectifs et autonomie " pour la Mention spéciale Alzheimer. Il y a une demande de plus en plus importante des grands groupes d'EHPAD à construire de nouveaux établissements à l'architecture adaptée ou à aménager ceux existant déjà.