Dans le n° 85-octobre 2017  - AGNÈS BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ  7559

Les salariés des EHPAD sont exposés à des facteurs de pénibilité physique importants

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, a offert une interview exclusive à Géroscopie. L'occasion de dresser un bilan des dossiers en cours.

Les professionnels des EHPAD sont très inquiets de leurs conditions de travail qui se dégradent d'années en années alors que les besoins ne cessent d'augmenter.

En effet, les données portées à ma connaissance par la CNAMTS notamment démontrent un taux de sinistralité particulièrement important dans les EHPAD, et une évolution défavorable d'année en année. Les salariés des EHPAD sont exposés à des facteurs de pénibilité physique importants, dus aux gestes et postures entraînés par la manipulation de personnes en perte d'autonomie. Il est urgent de réaliser un diagnostic précis et un plan d'action pour améliorer leurs conditions de travail.

Que pensez-vous des conclusions de la mission « Flash Ehpad » confiée à Monique Iborra ?

Mme Iborra s'est penchée sur les "points d'urgence" et a proposé des actions dès septembre. Le dispositif de "mission flash" s'organise hors règlement de l'Assemblée nationale. Il permet aux commissaires de dresser un état des lieux, dans l'urgence, d'une problématique particulière et de tracer de premières pistes de travail à moyen ou long terme. De nombreux acteurs ont été auditionnés dont moi-même en qualité de directeur général de la cohésion sociale, l'équipe de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, le directeur général de l'ARS Ile de France. Je ne peux que saluer la qualité des échanges avec les membres de la mission, qui ont fait preuve d'une grande écoute sur des sujets très techniques. Toutefois, il faut dépasser les remontées partisanes : l'enjeu est de tarifer les établissements au regard des publics pris en charge et de leur niveau de dépendance.

Cette procédure va t-elle mettre en lumière les vraies difficultés ?

Un groupe de travail sera installé dès 2017 pour traiter spécifiquement de la question de la Qualité de Vie au travail des personnels des établissements médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées. Ce groupe réunira, autour des directions d'administration centrale concernées, les représentants des employeurs et des salariés du secteur privé et public, ainsi que les agences et les caisses du secteur de l'autonomie. Mon objectif est de promouvoir et de généraliser la prise en compte de démarches systématiques de QVT sur l'ensemble du territoire.

Sur la tarification, la FHF révèle une perte de 60 millions d'euros pour les EHPAD publics. Pourquoi fragiliser les structures publiques et associatives ?

La réforme de la tarification des EHPAD est très attendue, et bien accueillie par la FEHAP, le SYNERPA et l'ADF après deux années de concertation. Elle compte de nombreux acquis en termes d'autonomie de gestion pour les structures, et un engagement financier notable pour les EHPAD puisque leur niveau de financement global augmente.

Elle répond aussi à une logique de couverture des besoins des résidents. Pour un service équivalent, les écarts de coûts dans les EHPAD sont très importants, certaines structures étant plus efficientes que d'autres. La convergence introduite par la réforme fonctionne donc sur une logique de redistribution entre établissements, p our redonner des moyens aux établissements qui accueillent des résidents les plus fragiles. A noter que la réforme apporte 400 M€ de moyens en plus dont 360 M€ pour le financement des soins.

S'agissant du secteur public, la baisse des financements s'établirait à 65 M€ selon les estimations de la CNSA. Mais les EHPAD publics ne sont pas perdants dans la mise en oeuvre de cette réforme, même si nous travaillons à identifier les situations individuelles difficiles et à mettre en place un accompagnement adéquat.

Envisagez-vous de geler la réforme ?

A ma demande, le directeur général de la cohésion sociale a organisé le 25 septembre, un comité de suivi de la réforme qui associe l'Assemblée des départements de France (ADF), la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), des ARS et les fédérations représentant les organismes gestionnaires d'EHPAD. Ce comité doit apprécier les avancées liées à la mise en oeuvre des évolutions réglementaires dans les territoires. Son bilan permettra de faire émerger les points de blocage ou difficultés de mise en oeuvre de textes actuels en matière de tarification des forfaits soins et dépendance des EHPAD et les améliorations techniques à apporter. Il faut prendre le temps d'évaluer concrètement l'impact de cette réforme dont l'application vient à peine de débuter.

Pourquoi ne pas proposer un point Gir départemental établi en fonction du statut de l'établissement ?

Lors des concertations sur la réforme de la tarification des EHPAD, l'opportunité et la possibilité juridique de différencier les valeurs de point en fonction du statut des établissements ont été examinées. La conclusion de ces travaux est sans ambiguïté sur le caractère non praticable à court terme de cette différenciation. Nous ne disposons pas d'éléments objectivés démontrant que tel ou tel secteur bénéficierait d'un avantage compétitif lié à sa structure de coût. Enfin, même si l'impact sur le besoin en soins n'est pas réellement démontré pour les publics plus modestes, la réforme prévoit de donner aux EHPAD particulièrement engagés dans l'accueil de publics précaires une dotation complémentaire.

Sur les contrats aidés, pourquoi retirer aux établissements cette manne de personnel qui assure des missions auxiliaires d'animation ou de services aux usagers ?

De nombreux établissements utilisent les contrats aidés, dont les titulaires jouent un rôle très important auprès des personnes accompagnées. J'ai demandé que notre secteur soit préservé dans le cadre des contrats qui seront prescrits au deuxième semestre 2017. Une priorité a été affirmée pour le secteur social et médico-social, notamment pour les interventions auprès des personnes âgées dépendantes. Je veillerai par ailleurs à ce que les personnes employées en contrats aidés dans notre secteur bénéficient d'un accompagnement pour favoriser une insertion professionnelle effective au sein des structures d'accueil.

Le problème du reste à charge des résidents n'a pas été réglé par la loi ASV...

Le reste à charge moyen en EHPAD s'élève à 1758 € par mois 1 (entre 1577 € pour le public et 2349 € pour le privé commercial), quand la pension moyenne des retraités est, tous régimes confondus, de 1306 € bruts mensuels en 2015 (1065 € pour les femmes, constituant les ¾ des effectifs en établissement). De nombreux résidents peuvent ainsi se retrouver avec un reste à vivre négatif, même si la solidarité couvre une partie du coût de prise en charge.

La loi ASV fixe la liste des prestations minimales d'hébergement que l'établissement est en devoir de fournir aux résidents et à leur famille pour une meilleure compréhension du tarif d'hébergement de l'EHPAD. Cette harmonisation permet aux usagers de comparer les prix des structures sur le site www.pour-les-personnes-agees , et de calculer leur reste à charge en fonction de leurs ressources. D'autre part, la création du crédit d'impôt pour les résidents d'EHPAD permet de réduire le reste à charge de plus de moitié (environ -55 %) : de 121 € par mois en moyenne avant réformes à 55 € par mois après réformes. 2

Mais cela ne règle pas la situation de nombreux résidents. C'est pourquoi le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HFCEA) a engagé des travaux sur cette question. Ses conclusions permettront d'identifier les leviers les plus à même d'alléger le reste à charge des résidents en EHPAD dans un contexte de dépenses publiques contraintes.


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