Dans le n° 68-mai 2016  -  Benoît Calmels, délégué général de l'UNCCAS  5657

Le problème c'est la structure du financement de la dépendance

Benoît Calmels, délégué général de l'UNCCAS, rapporte l'inquiétude des centres d'actions sociales des communes française et s'interroge. A quand la grande réforme de la dépendance ?

Avant d'être délégué général de l'UNCCAS vous avez travaillé dans des mairies. Comment les services chargés des personnes âgées perçoivent la politique menée ?

Pendant 10 ans j'ai été en prise directe avec la question des personnes âgées ce qui me permet d'avoir au sein de l'UNCCAS une écoute " plus terrain ". Je suis un " Uncassien " pratiquant... Sur la politique nationale qui est menée, les services n'attendent plus grand chose. Certes il y a eu la loi ASV mais elle n'a pas apporté tout ce qu'on était en droit d'espérer. Les collectivités - les CCAS mais aussi les mairies quand elles gèrent en direct - sont laissées seules et ne reçoivent pas réellement d'aide lorsque les problématiques évoluent. Il y a d'une part de plus en plus de personnes âgées en perte d'autonomie et d'autre part un phénomène de précarisation de ces personnes. Aujourd'hui nous vivons encore l'âge d'or avec des personnes encore aisées : les gens ont eu des carrières pleines, de bonnes retraites, ils possèdent des biens. Or, on commence à voir des classes d'âge qui s'appauvrissent de plus en plus, et cela sera encore pire dans les années à venir. Les CCAS se demandent comment ils feront face à la double problématique de la personne à la fois en perte d'autonomie et en précarité financière.

Les CCAS interviennent-ils financièrement ?

Le binôme département / CCAS intervient mais les CCAS ont déjà de fortes difficultés financières. Là dessus, l'Etat applique sur les trois prochains exercices budgétaires une baisse de 11 milliards d'euros pour les collectivités locales. CCAS et départements ont des choix politiques à faire mais on est tellement contraints financièrement qu'on est limités à faire des choix purement budgétaires. Ce sont des choix rationnels en terme financiers mais qui n'ont rien de rationnel en termes de politique publique. Ce que craignent les CCAS, c'est que la politique gérontologique portée par les collectivités fasse les frais de cette situation.

Les CIAS, les intercommunalités résolvent-elles une partie du problème ?

Cela ne résout pas le problème financier : en plus de 25 ans de travail au sein de la fonction territoriale, que ce soit en direct ou à l'Unccas, je n'ai jamais vu que le passage en intercommunalité apportait de réelles économies financières. Par contre, on gagne en efficacité parce qu'on mutualise les moyens. Pour les EHPAD isolés dans les petites communes, la mise en commun des moyens est une vraie solution. Au-delà du fonctionnement, reste une vraie question : l'investissement. A plusieurs communes, il est plus simple de trouver les moyens financiers. Une commune de 1000 habitants ne peut pas se payer le luxe de construire un EHPAD de 60 lits mais une intercommunalité regroupant 20 communes pourra le faire. C'est une solution en termes de capacité à mettre en oeuvre des politiques publiques plus structurantes. Si vous mettez 10 communes ensemble il n'y aura pas moins d'argent dépensé mais elles pourront peut être mobiliser plus de moyens. C'est un plus en termes de politique publique. Et ce n'est pas forcément de la mauvaise dépense.

De nombreux services à domicile disparaissent. Quelles solutions ?

Les responsables de CCAS sont très inquiets. 1/3 des CCAS porteurs de services à domicile à l'UNCCAS disent qu'ils pourraient fermer leur service. Un tiers sur 1200, ce n'est pas neutre d'autant plus que nos services dans la gérontologie sont plutôt interstitiels c'est-à-dire qu'ils interviennent là où il n'y a ni association ni entreprise. Ils interviennent dans des zones où il n'y a aucun service. Lorsqu'un déficit menace le service, les coupes sont souvent faites sur ces zones.

Beaucoup de logement-foyers ne sont-ils pas en mal de modernisation ?

Nous sommes le premier opérateur en termes de logements-foyers. Les sommes qui leur sont dévolues sont extrêmement faibles. La Loi ASV est une très bonne loi : elle met en avant la question de la prévention ce qui est une très bonne chose. Le seul problème c'est qu'on oublie la question du financement. Et ce n'est pas le nouveau forfait autonomie qui palliera les manques. L'UNCCAS sait bien que l'Etat n'a plus d'argent, les collectivités non plus, ni les associations. Aussi, ce serait peut être bien d'assurer une conférence non pas des financeurs mais du financement. Pour que financeurs et acteurs réfléchissent à mettre en place une solution : soit un véritable financement de la perte d'autonomie (l'Unccas milite depuis longtemps pour un 5ème risque) soit pour une solution plus radicale.... Personne ne veut reconnaître qu'il y a un problème. Ce ne sont pas 50 millions, mis ponctuellement, qui vont résoudre le problème de la structure du financement de la dépendance.

L'adoption du régime de l'autorisation pour tous les SAAD change-t-elle quelque chose sur le terrain pour les associations locales ?

Le régime d'autorisation pour les services à domicile résout un problème mais qui n'a rien à voir avec le financement. L'UNCCAS a toujours été pour un régime unique et plutôt pour l'autorisation parce qu'elle privilégie l'usager. Mais en adoptant un régime unique d'autorisation on a aussi créé 3 régimes différents (tarifés, sans tarification, etc.). On met de la complexité dans ce régime alors que l'idée était de fonctionner tous sur le même modèle. L'autorisation est la capacité à intervenir pour le public fragile (les personnes âgées) et non pas la capacité à être financé, tarifé... Nous sommes satisfaits de ce régime d'autorisation mais cela ne sauvera pas les services à domicile.

Quand les coûts sont supérieurs au tarif, cela met en difficulté les intervenants. C'est le seul secteur économique où, plus vous avez de bénéficiaires, plus vous perdez de l'argent. Laisser les tarifs libres serait dommageable aux personnes les plus modestes. Pour les CCAS, le problème est un peu différend : il peut accepter de perdre de l'argent sur son service à domicile. Il le maintient au nom d'une politique à mener auprès d'un public auprès de qui personne d'autre n'interviendrait. Cela a un coût mais c'est une politique publique. Par contre une association ne peut pas se le permettre.

L'arrivée des groupes privés d'EHPAD dans le domaine des services à domicile, est-ce gênant ?

Il ne faudrait pas qu'au final les EHPAD privés tuent l'offre publique. Pour l'instant, quand un Ehpad privé commercial s'installe sur un territoire, il n'y a pas de concurrence en tant que telle parce que nous ne nous adressons pas à la même population. Les prix pratiqués sont supérieurs. C'est encore plus flagrant entre les résidences autonomies et les résidences services. La résidence service offre des choses en plus mais les prix font qu'il n'y a pas de réelle concurrence.

Dans les services à domicile il y a une vraie concurrence ?

On en a souvent discuté dans le collectif d'aide à domicile. Nous n'avons pas la preuve que les services à domicile ont perdu des clients à cause de la présence de services privés. Par contre la réduction du nombre d'heures dans le cadre de l'APA et dans le plan d'aide des caisses de retraite, oui cela nous a fait perdre de l'activité.

Vous avez participé au GR 31. Qu'avez vous pensé des discussions ?

Nous sommes plutôt d'accord avec ce qu'a écrit le courrier du GR 31 concernant le dégel de la réserve prudentielle de 744 millions d'euros. On ne voudrait pas que cette réserve soit mise de côté et que Bercy les ponctionne. Ce n'est pas la peine de demander plus d'argent, il faut déjà utiliser celui qui a été alloué. Pourquoi tous les ans, n'utilisons-nous pas 100% des sommes allouées? Certes, on peut les mettre sur les résidences autonomie, sur les SPASAD, mais de toute façon ce ne sera pas suffisant. Cela permet de sauver le secteur pendant un moment...

Les acteurs locaux ont-ils un rôle pour l'autonomie des personnes âgées et l'émergence d'innovations sociales ?

Les acteurs locaux, et tout particulièrement les CCAS, ont un grand rôle à jouer dans l'autonomie des personnes âgées et surtout dans l'émergence d'initiatives et d'innovations. Quand un Etat et une collectivité n'ont plus d'argent, ils n'ont plus qu'une solution : l'innovation. Les CCAS pensent qu'il faut trouver de nouveaux moyens d'agir pour l'autonomie des personnes âgées. Les partenariats locaux font plus pour les habitants que les grandes lois. Il faudrait également faire un peu plus confiance à l'intelligence des territoires. A l'UNCCAS nous considérons qu'appliquer un modèle national partout n'est pas adapté, nous pensons plutôt qu'en fonction du territoire le modèle peut être différent. Il faut créer des cadres assez souples pour que l'initiative locale émerge. Dans notre banque d'expériences sociales locales (1) vous trouverez de nombreuses expériences locales innovantes. Celles qui marchent le mieux et ont le plus d'effet sont souvent de toutes petites idées...

(1) Observation sociales et innovation : www.unccas.org/-banque-d-experience-#.VxocVXAqiqQ

L'UNCCAS

4100 adhérents

7000 communes

70% de la population couverte

400 EHPAD

57% des logements-foyers publics, et 40% tous modes de gestion confondus

Les CCAS emploient 30 000 aides à domicile (30 millions d'heures)

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