Dans le n° 18-mars 2012  730

La prévention, un volet majeur de la dépendance

Anny Poursinoff est députée de la Xe circonscription des Yvelines EELV (Europe Ecologie-Les Verts). Pour Anny Poursinoff, la prise en charge par la solidarité nationale des personnes dépendantes relève des valeurs des écologistes.

En quoi la prise en charge des aînés est-elle un sujet " développement durable " ?

S'occuper des personnes âgées est effectivement un sujet qui relève du développement durable. Notre société est fondée sur la performance, la rapidité, l'individualisme. Le sujet s'inscrit à long terme dans le projet des écologistes. Chez EELV (Europe Ecologie-Les Verts), nous misons sur le respect de l'autre, la solidarité intergénérationnelle. Aujourd'hui, les personnes âgées dépendantes ou handicapées doivent vivre dans des structures spécialisées ou chez elles, isolées. Nous voulons démontrer qu'on peut vivre en ville en fauteuil-roulant ou avec une canne, sans être bousculé, sans être considéré comme une gêne.

Le sujet de la dépendance ne fait pas recette pendant la campagne présidentielle...

Ce n'est pas un sujet simple. Les enjeux financiers sont élevés. Parler des mesures, c'est obligatoirement parler de financement. À gauche comme à droite, le parti pris est de ne pas augmenter les impôts. La droite souhaite s'appuyer sur les assurances privées alors même que cette réponse ne satisfait pas les familles. Les écologistes, eux, n'ont pas de tabou sur l'augmentation des impôts. Actuellement, la dépendance n'est pour ainsi dire financée que par les personnes dépendantes et leurs familles. Certes il y a l'APA (Allocation Personnalisée d'Autonomie) mais cette prestation est très variable et ne couvre pas toutes les dépenses liées à la perte d'autonomie. Il y a donc une double peine pour les personnes concernées et leurs familles : la perte de l'autonomie et celle de leur patrimoine. En effet, souvent, les détenteurs de petits biens se voient contraints de s'en séparer pour financer l'hébergement en EHPAD (Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes). Qu'il s'agisse du financement de la protection sociale, de celui de la santé ou de la perte d'autonomie, il va falloir faire une révolution intellectuelle. Nous sommes dans une société riche et qui partage mal ses richesses : la richesse nationale augmente mais le nombre de pauvres aussi ! La situation des personnes âgées est marquée par de fortes disparités sociales, et la pauvreté est aggravée par la stagnation et la réforme des pensions. Il faut absolument éviter que ceux qui ont les moyens puissent financer par eux-mêmes leur prise en charge et que les autres se débrouillent. Supprimer l'impôt sur la succession m'a semblé aberrant...

Pour EELV, le financement de la perte d'autonomie passe donc à 100 % par la solidarité nationale ?

Oui et il en va de même pour les soins. Les soins permettent de faire de la prévention. J'ai longtemps travaillé comme infirmière et je suis intervenue à domicile. Du temps de la PSD (Prestation Spécifique Dépendance), les sommes servies faisaient l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire. On voyait donc des personnes âgées refuser des soins dans le but de préserver l'héritage de leurs enfants. L'absence de soins accélère la perte d'autonomie, c'est pourquoi il est impératif de financer les soins à 100 % sans franchise.

La prévention serait donc la première prise en charge de la perte d'autonomie ?

La dépendance ne commence pas avec le GIR 3 ou 4. Il faut donc agir très en amont, dès le GIR 6, et étudier avec précision chaque cas. Ainsi, quand on décide de financer une prestation de portage de repas, il faut s'interroger : ne serait-il pas préférable de financer une auxiliaire de vie qui accompagnerait la personne dans ses courses et dans la préparation du repas ? Le lien social, l'activité physique et intellectuelle sont en jeu. C'est un cercle vertueux : quand on fait sortir la personne de chez elle, elle continue à participer à la société, la perte d'autonomie est retardée. Quand la personne âgée est confinée chez elle, la dépression menace.

Ce discours n'est pas entendu pour deux raisons : la mesure est plus coûteuse et le retour sur action n'est pas visible à court terme. On peut faire un parallèle avec les écoles maternelles ou primaires. On ne peut voir le résultat de la qualité de la prise en charge des enfants que quinze ou vingt ans plus tard... cela n'empêche pas d'y travailler.

Je crois aussi que pour que les personnes dépendantes puissent vivre chez elles, il faut que la ville les accepte. Ce qui signifie qu'il faut équiper la ville, qu'il s'agisse de bancs dans les parcs, de rampes d'accès dans les commerces ou les administrations, de logements adaptés, avec de la mixité intergénérationnelle. C'est comme cela qu'on peut garder de l'autonomie.

" Ne pas laisser les familles démunies face à la dépendance des personnes très âgées, dit Éva Joly, c'est créer 200 000 emplois ". Or ces métiers manquent d'attractivité...

C'est vrai. Il s'agit souvent de postes à temps partiel, ils sont mal rémunérés, les temps de trajet ne sont pas pris en compte, il faut souvent disposer d'une voiture... Par delà ces difficultés, la formation des " aidant-es " doit aussi être une priorité. Il n'y a pas suffisamment de personnel formé. Il faut que chaque intervenant, à domicile ou en structure, soit formé. Le diplôme d'aide-soignant est intéressant. J'ai formé des aides-soignantes pendant sept ans et ce diplôme est très adapté. D'autre part, en établissement, l'infirmière-coordinatrice a un rôle-clé à jouer. Elle se situe à l'interface des exigences des résidents, de celles des familles et des soignants. Elle comprend les problématiques et peut professionnaliser les pratiques. De plus, pour prévenir l'épuisement des soignants, il faut prévoir des parcours, des passerelles entre les métiers du soin, des aides tels que les groupes de parole avec un psychologue.

Le débat bat son plein autour de la fin de vie et de l'euthanasie. Qu'en pensez-vous ?

À titre personnel, je m'y oppose. On se focalise sur des cas particuliers pour susciter l'émotion. Savoir que la possibilité de l'euthanasie existe est préjudiciable à la qualité de la fin de vie. Cela génère de l'agressivité chez la personne en fin de vie. La main qui soulage ne peut pas être la main qui accélère la mort. La clé du débat est dans la loi Léonetti. J'ai connu les deux périodes, celles de l'acharnement thérapeutique et celle de l'intervention de professionnels des soins palliatifs. Quand les soignants sont formés, les demandes de patients désireux d'écourter leur vie diminuent. La loi Léonetti - qui permet de soulager les souffrances et d'assurer le meilleur confort de fin de vie - est mal connue et peu appliquée. Actuellement, seuls 2 % des médecins et 5 % des infirmiers (es) sont formés. De plus, comment trouver le temps de présence, d'écoute alors que les services sont déjà débordés ?

Le projet

OUVRIR DES CHOIX A NOS AÎNÉS

Les écologistes proposent d'ouvrir un choix quant au mode d'hébergement par :

- La création de logements adaptés, l'hébergement en structure collective ou autogérées, le maintien à domicile doivent devenir des choix réellement ouverts.

- L'augmentation du nombre de places en EHPAD public au moins égal au nombre de places dans le secteur privé, et adaptation des équipements.

- L'assistance aux travailleurs immigrés âgés et leurs conjointes par un dispositif spécifique d'hébergement, d'écoute, d'amélioration et de suivi des droits à la pension.

De soutenir et d'améliorer les emplois de services :

- la puissance publique doit contrôler le développement de ce secteur pour améliorer les conditions des emplois et améliorer la qualité du service en visant trois objectifs :

- Limiter la place du gré à gré et favoriser l'économie sociale et solidaire.

- Poursuivre la professionnalisation pour améliorer la qualité.

- Simplifier et assouplir les outils de paiement et de gestion.

De financer la perte d'autonomie et la prise en charge de la dépendance.

- En plus des recettes fiscales ordinaires, les revenus des retraités les plus prospères doivent être mis à contribution par une taxation des patrimoines les plus élevés hors habitation principale, par l'alignement de leur CSG sur celle des actif/ves avec un taux progressif, et par la suppression de l'abattement de 10 % des frais professionnels pour le versement d'impôt.

D'organiser les soins palliatifs et la possibilité de mourir dans la dignité :

- Chaque personne doit pouvoir mourir dans la dignité là et au moment où elle le souhaite. Cela implique l'installation dans chaque département d'une unité de soins palliatifs assurant aussi la logistique des réseaux à domicile et dans les résidences de personnes âgées.

De sécuriser les revenus et l'accès aux soins des plus fragiles par :

- L'augmentation du minimum vieillesse selon les mêmes critères que les autres revenus sociaux.

- La revalorisation des retraites à partir des salaires et non de l'indice des prix.

- La garantie d'une visite médicale annuelle gratuite pour toutes les personnes de plus de 65 ans et la suppression des franchises médicales.

De favoriser l'activité bénévole et les lieux d'échange intergénérationnel par :

- La création d'agences intercommunales pour le travail bénévole et l'incitation fiscale par des réductions d'impôts.

- Le soutien aux clubs de seniors, aux universités et lieux de formation dits du troisième âge.

- L'encouragement à la mixité des générations dans la construction des logements neufs.

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