Le travail de nuit n'est pas " un temps mort ", une parenthèse, dans l'accompagnement des résidents. Il contribue à la continuité de service et à la qualité de vie en veillant au bien-être et à la sécurité des résidents et du personnel. Une réflexion encore balbutiante voir inexistante pour nombre d'établissements.
La nuit en EHPAD, le temps oublié
" Les nuits en EHPAD sont peuplées de ceux qui ne dorment pas, de ceux qui dorment de façon séquentielle, de ceux qui ont peur, de ceux qui s'angoissent, de ceux qui viennent voir ce qui se passe en dehors de leur chambre, de ceux qui pensent que c'est le temps de la journée, de ce qui souffrent dans leur lit, de ceux qui ont besoin d'aide parce qu'ils sont souillés, de ceux qui tombent, de ceux qui crient, de ceux qui ont faim, de ceux qui veillent, travaillent, soignent... La nuit est un extrait de ce qui se joue le jour. La nuit est un concentré de ce qui est éprouvant. La nuit, la vie continue, moins diluée, moins accompagnée, enveloppée de nuit et de solitude. " Comme le souligne Mireille Trouilloud, psychologue clinicienne au Centre de Prévention des Alpes, la nuit est partie prenante du rythme de vie des résidents. Un moment de la vie à prendre en considération car il est, chez les personnes âgées dépendantes comme chez les enfants, un temps de résurgence des fragilités, des angoisses (peur de l'obscurité, du silence, de la solitude, de l'abandon, de la mort). Et pourtant, ce temps de vie est encore trop souvent oublié, peu valorisé dans le projet de vie personnalisé des résidents et dans le projet d'établissement. " Historiquement, le rôle des veilleurs de nuit se cantonnait au " gardiennage " des résidents. Il n'est pas sûr qu'avec le temps, et en dépit des évolutions notoires dans les pratiques des établissements d'accueil pour personnes âgées, la représentation de ce rôle ait tellement évolué. Il n'est pas neutre que le terme " veilleur de nuit " persiste, alors que le jour, on parle des soignants ", analyse Mireille Trouilloud.
Penser le travail soignant nocturne
Les directeurs d'EHPAD doivent également avoir conscience des difficultés occasionnées par la charge psychique, la pénibilité de certaines situations (troubles du sommeil, insomnies, agitation, agressivité, déambulation, risques de chutes nocturnes, gestion de la douleur, de l'incontinence, de la sexualité, des urgences médicales, ou de la fin de vie...) et l'isolement professionnel des équipes de nuit. " Pour les professionnels intervenant en établissement, il peut être aussi très angoissant de se retrouver dans un couloir sombre face à un résident déambulant qu'on ne connaît pas forcément bien. L'intervenant de nuit a une relation encore plus rapprochée avec la personne âgée, parce que les mêmes soins dispensés le jour ou la nuit n'ont pas la même signification, ne sont pas vécus de la même façon. La nuit, les professionnels touchent encore de plus près à l'intimité de la personne, et doivent donc être doublement vigilants sur tous les soins prodigués ", rappelle Mireille Trouilloud. L'accompagnement de nuit ne se résume donc pas à la surveillance des résidents après les avoir couchés. Les EHPAD doivent penser le travail soignant nocturne et l'articuler avec les soins et l'activité sociale diurnes. Ce qui implique le développement de compétences spécifiques et de savoir-être afin de répondre aux besoins des résidents et faire face aux situations d'urgence. Une réflexion indispensable à amorcer dans les EHPAD.