Dans le n° 130-juillet 2021  -  Dr Philippe Denormandie, Chirurgien orthopédique, directeur des relations santé de MNH Group  12017

« L'autonomie est notre moteur permanent, la cohérence de nos travaux »

Conseiller santé de la mutuelle des hospitaliers, le Dr Philippe Denormandie est bien connu des acteurs du secteur médico-social. Auteur de nombreux rapports dont le remarqué « Des aides techniques pour l'autonomie des personnes en situation de handicap ou âgées : Une réforme structurelle indispensable », il dresse un état des lieux de l'avancement des travaux.

Les attentes sur l'accès à la santé des personnes âgées ont-elles évolué depuis la crise Covid ?

C'est certain. On observe un sentiment assez fort de perte de pouvoir de décision, en particulier pour les personnes résidant en institution. Les mesures de confinement ont été ressenties de manière plus vive pour ces publics que pour le reste de la population. Mais on note aussi de grandes différences de perception en fonction des situations familiales. Il est donc difficile d'en tirer des conclusions globales. A l'inverse, on peut souligner la redécouverte d'une part d'autonomie. Bénéficiant de moins d'aidants, les personnes se sont remises à réaliser certains gestes par elles-mêmes. On a également vu des solidarités familiales se renforcer, avec beaucoup d'imagination. Enfin, nous avons été amenés à bousculer profondément l'offre et l'organisation des soins. Le télé-accompagnement a retrouvé ses vraies lettres de noblesse et pour certaines personnes qui rencontrent des difficultés à se déplacer en centre de santé, nous avons vu émerger une offre concrète et pour le moins remarquable. L'accompagnement a permis de privilégier le chez-soi.

Cette médecine distancielle s'est donc réellement déployée...

Oui et de manière très pertinente. Jusqu'à présent, les personnes se déplaçaient dans les centres de rééducation. La télérééducation permet désormais de travailler dans leur environnement réel de vie, avec leurs propres meubles, en intégrant ainsi la hauteur de la table, l'utilisation des fauteuils pour se lever ou s'accroupir, les ustensiles de la cuisine. On revient aux fondamentaux car la rééducation doit par nature se faire dans l'environnement de la personne. Dans les Ehpad, il s'agissait davantage de réaliser des téléconsultations, ce qui s'est révélé essentiel pour maintenir la couverture sanitaire. Beaucoup de médecins, dont l'activité s'est réduite en ville, se sont mobilisés pour assurer et maintenir une bonne qualité de soin dans les Ehpad. On a vu émerger un élan de générosité et une formidable mobilisation des professionnels qui n'ont pas hésité à se déplacer pour soutenir les établissements.

Cette expérience permet encore de proposer des mix entre rééducation en présentiel et à distance. De même, en mobilisant et impliquant les aidants à domicile, on crée un cercle vertueux autour de la personne âgée, qui ne craint plus de réaliser certains gestes chez elle.

Quel écho a eu le rapport que vous avez publié en 2020 sur les besoins en aides techniques ?

Le retour est positif et partagé à la fois par les usagers, les directions d'administration et les cabinets ministériels (santé, handicap et autonomie). Ces derniers m'ont d'ailleurs demandé de finaliser une feuille de route, de piloter un groupe de suivi de l'ensemble des mesures évoquées pour s'assurer que le travail avance. La dynamique, très concrète, est en place : ce qui compte en matière d'aide technique n'est pas tant l'objet que l'usage qu'en fait la personne. Il faut donc commencer par renforcer l'évaluation et l'accompagnement au domicile de la personne pour lui permettre de choisir ce dont elle a vraiment besoin. Il s'agit ici d'éviter de financer des aides techniques qui resteront dans des placards parce qu'elles ne correspondent pas aux besoins ou sont trop complexes à manier. C'est encore le cas de 30 à 40 % des aides techniques. Pour cela, plusieurs réformes ont été adoptées. Le gouvernement a décidé de développer les équipes techniques d'évaluation, sur un modèle d'article 51. 113 équipes ont déjà répondu à l'appel à projets. Nous dresserons fin juin un premier bilan, voire une extension, si l'on en juge par la dynamique et l'engouement déjà constatés sur le terrain car nous voulons travailler dans une logique de territoire.

La loi Rist a parallèlement intégré le droit des ergothérapeutes à prescrire des aides techniques. Leur rôle est essentiel. Un arrêté et un décret sont en cours de rédaction. Nous travaillons également pour que les équipes de SSR, avec des plateaux techniques experts en aides techniques, puissent bénéficier de la même reconnaissance.

Le 2e champ de mesures concerne l'accès aux aides techniques...

Il s'agit d'une réforme structurelle de fonds pour passer d'une logique de produit à une logique d'usage. En France aujourd'hui, l'unique solution est l'achat. Seules cinq aides techniques sont disponibles à la location. C'est absurde. Il nous faut trouver des modalités de financement, mais aussi tendre vers un reste à charge zéro, à l'image de la démarche engagée pour les aides visuelles et auditives. Il y a une réflexion à mener sur les aides techniques de la déambulation, de la toilette, du nursing, de la communication... La canne blanche du non-voyant est aujourd'hui remboursée 7 euros (elle coûte jusqu'à 60 euros), alors que les béquilles sont prises en charge à 100 %. Nous devons repenser les niveaux de financement.

Un travail est très concrètement engagé sur les fauteuils. Nous travaillons aussi sur une série de mesures pour identifier les aides techniques prioritaires à financer. Cette réforme ne dépend plus de l'âge mais bien des besoins, de l'autonomie. Nous allons enfin créer des ponts entre personnes âgées et personnes handicapées. Ce qui est rare dans notre pays.

...et les usages terrain

La remise en état d'usage de nombre d'aides techniques est un sujet essentiel. Nous établissons actuellement avec Afnor des règles du jeu pour les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Il s'agit de créer un process de remise en état des aides techniques. Il faut également établir un financement de la location pour trouver un modèle économique qui aujourd'hui n'existe pas.

Nous souhaitons que les financements de la PCH et de l'APA s'orientent progressivement vers le financement des innovations qui ont lieu dans les territoires. C'est seulement lorsqu'elles seront connues et diffusées que nous pourrons les voir remonter dans la LPPR. Il s'agit bien d'un processus vertueux pour valoriser au mieux ce qui se passe sur le terrain mais aussi rendre ces aides techniques disponibles à proximité des lieux de vie des personnes.

Sur un autre sujet, vous êtes l'un des trois fondateurs de l'Agence des médecines complémentaires et alternatives (A-MCA). Quels sont aujourd'hui vos objectifs ?

Nous voulons d'abord commencer par structurer l'extraordinaire élan de bénévoles qui nous ont rejoints. Ensuite nous voulons travailler sur quelques thématiques prioritaires : structurer l'accès à l'information, réfléchir aux formations nécessaires pour bien accompagner les médecines complémentaires (nous élaborons avec de nombreux professionnels une charte éthique, un corpus indépendant de la pratique, un « serment d'Hippocare », qui pourrait être transversal à toutes les disciplines), accompagner les équipes sanitaires et médico-sociales, en particulier les Ehpad, intéressées par ces pratiques. On voit sur ce point émerger une demande importante des équipes soignantes épuisées par les mois de Covid pour les aider à gérer leur stress et leurs angoisses. Enfin, on a lancé un certain nombre de travaux de recherches, avec la Fondation Alzheimer, la Fondation de France, pour produire de la connaissance et donner des éléments de référence aux pouvoirs publics. On sent un véritable foisonnement d'idées et d'intérêt mais les champs d'investigation sont immenses. Il y a beaucoup à faire.

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