Dans le n° 44-mai 2014  -  Interview de Gérard Vincent - Fédération Hospitalière de France  4055

Dans le secteur médico-social, la coopération est un impératif

Le secteur public reste en première place dans la prise en charge de la perte d'autonomie. Gérard Vincent, délégué-général de la FHF (Fédération hospitalière de France) met en avant la coopération hospitalière, la constitution de filières de prise en charge et la duplication des bonnes pratiques.

Que pensez-vous du projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement??

Ce projet de loi est intéressant car il vise à appréhender la question du vieillissement dans toutes ses dimensions. Toutefois il ne permet pas de dégager une logique générale de la politique de l'autonomie avec des réformes structurelles indispensables, tant en terme de financement que de gouvernance. Le secteur médico-social, riche de sa diversité, est affaibli par la complexité et les difficultés de pilotage et de régulation. Les gouvernements successifs n'ont pas abordé ces questions majeures de cohérence et d'équité territoriale ainsi que celles de financement de la perte d'autonomie, alors même que les dépenses afférentes atteignaient plus de 21?milliards d'euros en 2011 soit 1,05 point de PIB (Produit intérieur brut).



La mutualisation est fortement encouragée par les ARS (Agence Régionale de santé), notamment dans le cadre des appels à projets. Quelle est la position de la FHF sur ce sujet?? N'y a-t-il pas des limites du fait des différences de pratiques, de cultures??

Pour la FHF (Fédération hospitalière de France), il est acquis que l'ensemble du dispositif de santé doit être centré sur le parcours de vie des personnes à l'échelle d'un territoire de proximité, ce qui favorise la coopération et les mutualisations entre acteurs de santé. La stratégie de groupe prônée par la FHF peut s'illustrer de quelques chiffres?: en 10 ans, plus de 600 structures de coopération hospitalière ont été créées. Dans le secteur médico-social, la coopération est un impératif en raison de la complexité des dispositifs d'accompagnement, de l'atomicité des acteurs mais également de la nécessité de promouvoir les filières de prise en charge. Les établissements publics sont aujourd'hui tous engagés dans ces logiques de coopération rendues obligatoires par la loi du 2?janvier 2002 rénovant l'action sociale, celle du 11?février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, et enfin la loi HPST de 2009. La FHF recense ainsi dans son atlas des coopérations plus de 800 démarches initiées, allant de la convention de coopération au Groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) ou d'autres formes plus intégrées.
Par ailleurs, pour permettre au secteur public de répondre aux appels à projets dans le secteur médico-social, la FHF a créé l'ADMS?: association pour le développement du service public médico-social. L'ADMS a entre autres objectifs la volonté de promouvoir les coopérations et toute forme de mutualisation pour offrir des réponses innovantes aux besoins évolutifs des personnes âgées et handicapées sur les territoires.

L'hôpital est souvent un passage obligé pour la personne âgée. Quels progrès récents pouvez-vous pointer en matière d'accueil, aux urgences notamment??

C'est un sujet majeur et une préoccupation pour les établissements publics. Ils s'organisent dans l'ensemble des régions pour réduire les hospitalisations évitables et améliorer l'accueil et la prise en charge des personnes âgées aux urgences. D'ailleurs, pour la deuxième année consécutive, la FHF et la Fondation Médéric Alzheimer lancent un appel à prix. Il a pour objet de valoriser les initiatives visant à améliorer l'accueil et la prise en charge des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs qui sont hospitalisées.
Ce prix s'adresse aux acteurs des établissements de santé, dans les services non spécialisés en gériatrie?: services d'urgences et d'hospitalisation (cardiologie, neurologie, orthopédie, médecine interne, etc.), consultations externes non spécialisées en gériatrie, hôpitaux de jour, dans les établissements de court séjour et SSR non gériatriques. Seules peuvent postuler les équipes ayant adopté une démarche visant un meilleur accueil et un meilleur suivi (de l'entrée à l'hôpital jusqu'au retour à domicile ou en établissement d'hébergement) des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées, lors d'hospitalisations, de prises en charge aux urgences, d'interventions chirurgicales ou d'examens programmés. L'appel à prix doit permettre de valoriser les bonnes pratiques pour les diffuser et permettre leur reproductibilité dans l'ensemble des établissements de santé.

L'ANCHL (Association Nationale des Centres Hospitaliers Locaux) a demandé récemment à prendre en charge la dépendance. Est-ce la nouvelle orientation du centre hospitalier local??

Les Centres Hospitaliers Locaux (CHL) assurent cette mission depuis toujours puisqu'ils accueillent une majorité de personnes âgées ainsi que de plus en plus de personnes handicapées vieillissantes. L'offre et la qualité des services aux personnes résident dans la proximité et la capacité de ces établissements à faire le lien avec la médecine de ville et l'ensemble des acteurs de l'aide à domicile, les CHL étant souvent eux-mêmes gestionnaires de services d'aide et de soins à domicile.

Les EHPAD s'orientent vers davantage de médicalisation, les logements-foyers pourraient voir leur GMP augmenter... Que pensez-vous de ce glissement??

Il s'agit d'une tendance souhaitée et financée par les pouvoirs publics pour mieux répondre à l'évolution des besoins et de l'état de santé de la population âgée. La politique de conventionnement des EHPAD a permis une amélioration de la qualité de l'accompagnement des personnes en établissement en renforçant la médicalisation et le taux d'encadrement. Toutefois, la partition des soins de longue durée a opéré un glissement vers les EHPAD sans forcément assortir ce transfert des moyens supplémentaires.
Aujourd'hui les EHPAD s'inscrivent dans des filières et doivent être en capacité d'offrir une palette de services, de l'accueil de jour, des plateformes d'évaluation, des structures de répit pour les aidants, pour faire en sorte que ces établissements, en assurant des soins de qualité, demeurent des lieux de vie totalement ouverts et insérés dans la vie de la cité.

Le secteur privé commercial investit de plus en plus le champ du grand âge?: hébergement, services à domicile, information, coordination... L'offre hospitalière peut-elle avancer dans ce sens??

C'est déjà le cas?! Les structures publiques se structurent autour de filières assurant une prise en charge amont et aval. Dans certaines régions, les établissements publics ont été l'origine de la création de structures de coordination, que ce soient les CLIC (Centre local d'information et de coordination gérontologique), MAIA (Maison pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer) ou autres instances. Dans ce secteur, l'offre doit être innovante, les services diversifiés, mais il demeure la question essentielle de l'accessibilité financière et du reste à charge pour les personnes âgées et leurs familles.

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