Dans le n° 59-juillet 2015  -  Interview de Richard-Pierre Williamson  4895

" Supprimer les CLIC, c'est une économie de bout de chandelle et un mauvais calcul pour les usagers "

Dans un paysage confus et marqué par les contraintes budgétaires, la place des CLIC pose question. A la veille de ses Journées Nationales, Richard-Pierre Williamson, président de l'ANC-CLIC (Association des coordinateurs et coordinations locales) fait un point. Il revendique un maillage de proximité au coeur duquel il place les CLIC, leur légitimité et leurs bonnes pratiques.

Il y a deux ans, dans ce même magazine, vous disiez " Nous comptons sur la future loi sur l'autonomie pour clarifier l'offre " *. Avez-vous été entendu ?

La future loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement est moderne, innovante et elle contient des propositions intéressantes. Cela étant dit, elle est en-dessous de nos attentes... Nous attendions un nouveau décret ou cahier des charges pour les CLIC et il n'y est pas. Laurence Rossignol avait évoqué un groupe de travail sur la question des Clics. Nous attendons. Un seul a été adopté par le Sénat : il dit que le CLIC doit être consulté pour l'élaboration des schémas départementaux.. Cette consultation n'a plus un caractère facultatif et fait donc partie du process. C'est bien mais c'est trop peu. Et quand les CLIC sont internalisés, personne n'est gagnant?; le débat est confisqué. On peut espérer que la loi passera en dernière lecture dans les prochains mois mais on peut craindre que peu de choses évoluent dans le domaine de la coordination de proximité au risque de vouloir réinventer autre chose.

Le paysage reste donc complexe pour les usagers...

Il existe une confusion des dispositifs?: PAERPA, MAIA, réseaux divers et autres acteurs... On ne peut même plus parler d'empilement, le terme "enchevêtrement" est plus adapté?! Il faut marquer une pause et réfléchir. En 1910 déjà, Jules Renard parlait d'entropie, une façon de signifier le degré de désorganisation d'un système... Les décrets et les normes s'accumulent. Une norme remplace l'autre et le vocabulaire suit?: parcours, gouvernance, coordination territoriale d'appui, intégration... Une chose est sûre?: les usagers eux ont d'abord besoin d'un lieu d'information et d'accompagnement de proximité. Ils ont besoin de Services de soins infirmiers à domicile , d'hébergement temporaire, d'interventions de nuit, de médecins disponibles... bref, de "faiseurs"?! Produire de nouveaux dispositifs et de nouvelles réponses sans doute le faut-il mais il est indispensable de s'appuyer sur ceux qui ont fait leurs preuves et les soutenir. Le développement des coordinations locales qui couvrent aujourd'hui 60?% seulement du territoire en est une illustration.

Que va changer pour vous la nouvelle carte des régions ?

Espérons que les Conseils départementaux et les Agences régionales de santé sauront trouver un mode de collaboration apaisé et opérant. Nous avons besoin de lisibilité sur les niveaux de financement et de clarification des territoires. La gouvernance et l'animation de territoire doivent être lisibles et sans doublon. Les stratégies des départements et des régions doivent être claires et s'appuyer sur des structures locales identifiées qui contractualisent.

En matière d'organisation, voyez-vous à l'étranger des pratiques qui puissent inspirer la France ?

Le Québec est souvent cité comme référence notamment avec le principe de guichet unique, inséré dans la communauté, accessible quels que soient son âge et son besoin. C'est le pragmatisme croisé avec la culture de la proximité, de la participation et de l'intergénérationnel. Là-bas, le médico-social n'existe pas?: il y a le secteur médical et le secteur social plus intégrés et plus simples comparés à nos tuyaux d'orgue. En France, on évalue peu, on multiplie les expérimentations et il faut sans cesse innover tandis qu'il manque des aides-soignantes, des places en maison de retraite et que de nombreux territoires n'ont pas de CLIC. À qui s'adressent alors les gens??

Quel est le programme de l'ANC-CLIC pour les mois qui viennent ?

Nous sommes en plein recensement des bonnes pratiques inspirantes des CLIC, et ce dans le cadre d'une convention passée avec la DGCS. En effet, si nous sommes là pour débattre nous sommes là aussi pour valoriser les savoir-faire, capitaliser, diffuser. Nous avons jusqu'ici recensé une centaine de bonnes pratiques regroupées en 5 domaines majeurs?: information/évaluation/coordination?; coopération locale?; actions vers les proches aidants?; prévention?; création d'outils et qualité. Ces 5 domaines ont d'ailleurs structuré nos Journées nationales des 25 et 26?juin derniers à Issoire *.
Nous allons aussi nous consacrer à produire le 2e état national des CLIC (le premier est sorti en 2010). Il faut mieux connaître les CLIC, leur territoire, leurs activités, leurs innovations et modes de coopération. Nous pourrons ainsi actualiser la carte des territoires. Nous diffuserons cette cartographie aux opérateurs, aux collectivités, aux médias...
Cette étude est un élément structurant dans le paysage gérontologique. La CNSA a beaucoup communiqué sur le portail d'information qu'elle vient de lancer, portail auquel nous avons contribué. Il recense 850 lieux d'information dont 600 CLIC. C'est un outil abouti mais il n'a d'intérêt que si localement les personnes trouvent des professionnels à qui s'adresser. Dans tous les cas, les personnes, qu'elles soient âgées ou proches aidants, veulent de l'humain et de la proximité.

Le paysage est effectivement en mutation permanente. Ainsi, du fait de manque de moyens des Conseils départementaux, on voit des CLIC fermer. Quelle est votre réaction face à cet état de fait ?

Supprimer les CLIC, c'est une économie de bout de chandelle et un mauvais calcul pour les usagers. Par exemple, les CLIC de la Manche sont menacés alors même que la population de ce département - essentiellement rural - est vieillissante. On attend à ce sujet une réponse du président du Conseil général. Laurence Rossignol a de son côté déclaré qu'elle allait confier cette question à la CNSA. À qui s'adresserait-on sans CLIC?? Certains ont mal compris en imaginant que les MAIA les remplaceraient. Il y a de la pédagogie à faire. Loin de l'inspiration technocratique et descendante, le clic, de par sa proximité et son expertise, contribue depuis déjà bien longtemps - si on l'a doté de moyens à la hauteur des ambitions - à simplifier le parcours et à... la paix sociale. Il ne demande qu'à s'articuler avec les autres dispositifs.

Parallèlement à ces fermetures, la légitimité des CLIC s'accroît grâce au travail de l'ANC-CLIC...

Oui, preuve en est que l'ANC-CLIC est en effet très sollicitée. Nous travaillons par exemple avec l'Union Nationale des Réseaux de Santé, avec le collectif des pilotes MAIA... Nous avons été également sollicités par l'ANAP, au sujet des PAERPA. En effet les CLIC sont porteurs ou a minima impliqués dans 6 des 9 PAERPA (Personnes Agées En Risque de Perte d'Autonomie) existants. Il est clair que la coordination ne fonctionnera que si elle est portée par des acteurs reconnus et légitimés localement... De même nous travaillons avec le SGMAP (Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, service du Premier ministre) dans le cadre de l'expérimentation de l'accueil temporaire, l'ANESM (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé), l'AD-PA (Association des Directeurs au service des personnes âgées). Enfin, nous approchons les 200 adhérents, quand nous en comptions moitié moins il y a 3 ans. Nos adhérents sont majoritairement des Clic et des coordinations, mais d'autres acteurs commencent à nous rejoindre?: MAIA, MDPH, CCAS... L'ouverture de l'ANCCLIC aux personnes morales fait que derrière une adhésion il y a une équipe et des administrateurs.

Quelles sont les personnes accueillies dans les Clic aujourd'hui ?

Les Clic accueillent pour 1/3 des personnes âgées, 1/3 de familles - parce que le premier coordinateur, c'est la famille et aussi parce qu'on observe maintenant des "familles dépendantes" (un couple en perte d'autonomie avec un enfant adulte handicapé ou des jeunes retraités avec des problèmes de santé ayant "à charge" leurs propres parents) - et 1/3 de professionnels?: médecins, services sociaux... Nous sommes aussi contactés par les résidences-services, lorsque la situation s'aggrave pour un de leurs résidents et qu'il faut trouver une solution. Les CLIC bien intégrés sont reconnus par tous dans leur territoire et entendent pérenniser leur position de têtes de réseaux, adaptables bien sûr.

(1)?: Géroscopie N°29 - février?2013
(2) Parcours et coordination?: expertise, savoir-faire et innovation Quelles bonnes pratiques inspirantes pour les personnes âgées, fragilisées, les aidants, les professionnels et nos organisations ?

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