Dans le n° 139-mai 2022  - Habitat intermédiaire  12833

Papy-boom : coup de jeune pour les résidences autonomie

2 300 résidences autonomie logent 120 000 personnes âgées autonomes ou peu dépendantes. Le papy-boom des 75-85 ans devrait conforter leur modèle, à condition que les chantiers de réhabilitation ou de construction s'accélèrent...

L'article 139 de la loi de décentralisation 3DS du 21 février 2022 simplifie la création, la transformation et l'extension de résidences autonomie en les exonérant de procédure d'appel à projets jusqu'au 31 décembre 2025, sous réserve d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Le conseil départemental dispose désormais d'un délai de quatre mois pour se prononcer sur la demande d'autorisation. Objectif ? Faciliter leur déploiement pendant toute la durée du plan d'aide à l'investissement Ségur (2021-2025), « une période où il sera nécessaire de développer fortement et rapidement ce type d'habitat intermédiaire », indique l'amendement gouvernemental à l'origine de cette disposition.

Modernisées par la loi ASV du 28 décembre 2015 et le décret du 27 mai 2016, les résidences autonomie sont une réponse aux besoins d'un chez-soi en sécurité des personnes âgées GIR 5 et 6, ou 4 sous condition de convention de la résidence avec un Ehpad et un Ssiad. Dans un contexte de papy-boom des 75-85 ans - une génération Mai 68 aux attentes différentes -, elles suscitent aujourd'hui un regain d'intérêt... mais qui peine à se concrétiser ou alors au compte-goutte. La loi 3DS ouvrira-t-elle une fenêtre de tir ?

Le chantier de la rénovation

Les résidences autonomie sont près de 2 300, majoritairement en milieu urbain et périurbain - hormis les maisons d'accueil rural Marpa. 120 000 personnes âgées y habitent « dans leurs meubles », avec leurs habitudes... Mais la priorité de ces établissements est de rénover le bâti vieillissant des logements foyers qu'ils étaient, dont une majorité construite dans les années 1970...

Entre 2014 et 2020, l'Assurance retraite et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ont subventionné les travaux de 20 000 logements pour un montant de 70 millions d'euros. Les crédits du Ségur (et du plan France Relance) amplifient ces financements avec l'objectif ambitieux de rénover près de 11 000 logements. En 2021, 233 résidences autonomie ont bénéficié d'un total de 30 millions d'euros - 117 645 euros en moyenne, soit 16 % du coût d'un chantier.

L'appel à projets en cours (jusqu'au 31 mai), doté de 32 millions, couvrira aussi, pour la première fois, les dépenses d'appui à la programmation du projet, l'assistance à maîtrise d'ouvrage en matière d'accessibilité, la coordination du chantier... Autre nouveauté : une enveloppe de 1,5 million d'euros pour la création de tiers-lieux.

140 000 places de plus ?

Partant de l'hypothèse d'un nombre constant de places en Ehpad, l'une des projections de la Drees(1) évalue le besoin de créations à 140 000 places en résidences autonomie d'ici à 2030. Plus du double.

Actuellement les deux tiers sont gérés par les centres communaux d'action sociale (CCAS) mais depuis les années 2000, le privé non lucratif, 30 % aujourd'hui, gagne du terrain - Arpavie étant le premier gestionnaire associatif (voir encadré).

Et l'exemple de France Horizon illustre un modèle mixte Ehpad/résidence autonomie qui se banalise. Lauréate d'un appel à projets du conseil départemental de l'Aude, l'association construit à Montredon-des-Corbières sa première résidence autonomie à côté de l'Ehpad qu'elle y gère. « France Horizon travaille en partenariat avec le bailleur social Axentia sur le parcours résidentiel des personnes fragilisées qu'elle accompagne - pas seulement âgées » , explique Michel Limouzin, directeur des deux structures.

Mais si l'associatif tire son épingle du jeu, c'est aussi parce que certains CCAS choisissent de lui transférer leur résidence, en raison de l'ampleur des travaux à réaliser. Récent exemple : Morhange (57) vient de céder au groupe SOS Seniors la gestion de sa résidence autonomie et la propriété des bâtiments à Énéal, la foncière médico-sociale de ce dernier. Après Vesseaux (07) et Nevers (58).

« La question de l'avenir des résidences autonomie gérées par des CCAS se pose aussi dans un contexte marqué par un paysage territorial en pleine mutation et une progression constante des besoins sociaux versus une contingence de moyens », reconnaît aussi leur union (Unccas) dans son livre blanc sur l'autonomie de novembre 2021. Car les CCAS s'inquiètent aussi de ne plus savoir faire face à la précarité grandissante de personnes âgées accueillies et à de nouveaux publics, personnes handicapées vieillissantes, atteintes de troubles psychiques, souffrant d'addiction ou SDF... Sans compter les difficultés de recrutement de personnes qualifiées.

Le secteur commercial reste, lui, marginal, 4 %. Il concentre ses investissements dans les résidences services seniors (RSS), hors médico-social donc, mais dont la finalité n'est pas si éloignée. Elles sont en plein boom, selon une récente étude du think tank Matières Grises(2) qui n'exclut pas qu'au-delà du fossé résidences de riches vs résidences de pauvres, un chemin puisse être parcouru vers un tiers modèle de RSS à vocation sociale. Sous condition d'évolution de la réglementation.