Dans le n° 74-novembre 2016  - Gestion des risques  5991

Médicaments en EHPAD : chassez l'erreur !

La sécurisation du circuit du médicament en EHPAD relève d'une démarche pluridisciplinaire qui doit fédérer l'ensemble des professionnels de santé (médecins généralistes, médecins coordonnateurs, pharmaciens, cadres infirmiers, ensemble des soignants) et être soutenue par la direction de l'établissement. Les structures se sont de plus en plus impliquées sur cette problématique. Mais des progrès restent à faire.

La notion d'erreur médicamenteuse est définie dans l'arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé par « l'omission ou la réalisation non intentionnelle d'un acte survenu au cours du processus de soins impliquant un médicament, qui peut être à l'origine d'un risque ou d'un événement indésirable pour le patient ». L'erreur médicamenteuse repose sur trois facteurs : la prescription, la préparation et la délivrance du médicament. L'organisation interne de l'EHPAD, le manque de temps et de moyens matériels et humains, le manque de communication au sein des équipes sont autant d'éléments prédisposant.

Mais quelle est l'ampleur réelle du risque en EHPAD ? « On ne dispose pas à ce jour d'études épidémiologiques pour quantifier et qualifier le risque dans le secteur des EHPAD, soulignait Philippe Verger, directeur adjoint du CHU de Limoges en 2013 dans son rapport sur le médicament en EHPAD. De telles études sont indispensables dans le secteur médico-social . »

Remise en question, volonté d'amélioration

En 2014, le Centre antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) de Bordeaux a mené une étude portant sur les causes des erreurs médicamenteuses les plus fréquentes en EHPAD (14 142 cas étudiés). Les appels concernant des erreurs médicamenteuses (EM) provenaient majoritairement des EHPAD (90 %) suivis des maisons de retraite non médicalisées (10 %).

Quelles étaient les causes des erreurs médicamenteuses identifiées ? 38% sont liées à la préparation du pilulier. Le plus souvent, la préparation des piluliers ne constitue pas une tâche à part entière dans certaines structures (personnel infirmier seul pour préparer les piluliers, répondre au téléphone, prodiguer les soins). À ces causes, s'ajoute l'acte de déconditionnement des médicaments, lesquels, sans leur plaquette thermoformée, peuvent être confondus avec les autres préparations pharmaceutiques de forme galénique équivalente. Les médicaments génériques peuvent également être à l'origine d'erreurs, car le changement d'aspect du médicament générique comparativement au médicament original peut induire de la confusion chez le personnel infirmier.

45% des erreurs surviennent à l'étape de l'administration du traitement et 3% découlent de la transcription ou de compréhension de l'ordonnance « Les erreurs [médicamenteuses] sont nombreuses, et probablement sous-estimées, car toutes ne font pas l'objet d'un appel aux CAPTV. Elles peuvent être anticipées a priori par une gestion qui se base sur des procédures établies ainsi que sur un contrôle de la qualité du circuit du médicament et, a posteriori, sur des remises en question et une volonté d'amélioration lorsque ces erreurs surviennent », souligne l'étude.

Auto-évaluation des pratiques

La sécurisation de ce circuit du médicament relève donc bel et bien d'une démarche pluridisciplinaire qui doit fédérer l'ensemble des professionnels de santé (médecins généralistes, médecins coordonnateurs, pharmaciens, cadres infirmiers, ensemble des soignants) et être soutenue par la direction de l'EHPAD.

Dans chaque région, l'Observatoire du Médicament, des dispositifs médicaux et des Innovations Thérapeutiques (OMEDIT) développe des outils de bonnes pratiques professionnelles, des moyens pour renforcer la culture de sécurité notamment pour l'autoévaluation du niveau de maîtrise du risque d'erreurs médicamenteuses.
L'Agence nationale d'appui à la performance (ANAP) en collaboration avec l'ARS et l'OMEDIT Aquitaine a élaboré Inter Diag Médicaments EHPAD, un outil d'auto-diagnostic, adapté pour tous types de structures (avec ou sans pharmacie interne).

Au sein des établissements, la commission de coordination gériatrique a également un rôle majeur à jouer sur la politique du médicament. « Il paraît adapté que la commission de coordination gériatrique puisse inscrire à l'ordre du jour de l'une au moins de ses deux réunions annuelles un point relatif aux médicaments (liste préférentielle, bonnes prescriptions médicamenteuses, circuit du médicament etc.), recommandait, la circulaire du 7 décembre 2012. Enfin, comme le souligne la Haute Autorité de Santé : « En l'absence de dossier médical partagé (quel que soit le support), la littérature montre que les passages d'un secteur sanitaire à l'autre (transfert du domicile/EHPAD vers l'hôpital ou sortie d'hôpital vers le domicile/EHPAD) sont des situations à haut risque d'erreurs médicamenteuses ». La mise en oeuvre effective - et efficace - du Dossier médical partagé (DMP) nouvelle version et Dossier de liaison d'urgence (DLU) est, en cela, urgente en EHPAD.

L'erreur médicamenteuse en EHPAD est évitable. Elle manifeste ce qui aurait dû être fait et qui ne l'a pas été au cours de la prise en charge d'un résident. Reste aux EHPAD à questionner profondément leurs pratiques.