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14/05/2025  - Enquête FHF  17924

Les Ehpad publics massivement en déficit pour la 3e année consécutive

Malgré un léger mieux en 2024, la FHF alerte sur l'impact dès 2025 de l'augmentation massive des cotisations retraite CNRACL. Elle va aggraver un traitement socio-fiscal déjà inéquitable et constitue une menace grave pour l'offre publique médico-sociale à court terme.


La Fédération hospitalière de France (FHF) a présenté le 13 mai, pour la troisième année consécutive, les résultats de son enquête annuelle sur la situation des Ehpad publics de la fonction publique hospitalière (FPH), basée sur les résultats financiers 2024 de 818 Ehpad rattachés et autonomes représentant près de 110 000 places. Une bonne nouvelle, la seule, le taux d'occupation continue de se redresser à 94,6% en 2024, soit 1,5 point de plus qu'en 2022 - il était de 96,7% en 2019. Pour le reste, le tableau dressé par Zaynab Riet, déléguée générale et Marc Bourquin, conseiller stratégie est très sombre : en dépit de ce petit mieux en termes d'activité, d'une plus forte évolution des financements en 2024 qu'en 2023 et d'une inflation plus faible, 584 Ehpad, soit plus de 7 Ehpad publics sur 10, sont en déficit en 2024 - la proportion aurait été de 8 sur 10 sans les aides du fonds d'urgence.

Déficit de 3000 euros par place- Le montant du déficit se stabilise autour de 3104 euros par place en moyenne (8,5 euros/jour) ce qui représente une perte de plus de 300 000 euros pour un Ehpad de 100 lits. Extrapolé à l'ensemble des Ehpad publics de la FPH, ce déficit s'élève à un total estimé à 545 millions d'euros qui s'ajoutent aux 562 millions de 2022 et 800 millions de 2023. On frôle les 2 milliards de déficit cumulé sur 3 ans.

Ce sont les sections hébergement et dépendance qui sont la cause de ces déficits massifs avec un effet ciseau entre leur sous indexation et la forte augmentation des charges de ces sections depuis 2022. Toutefois l'année 2024 a été marquée par un léger mieux grâce à des taux d'évolution des tarifs hébergement 2024 supérieurs à l'inflation, à des aides exceptionnelles plus importantes en 2024 qu'en 2023 (crédits non renouvelables et fonds d'urgence, dont report du non consommé 2023) et à des financements soins plus importants en 2024 en raison des financements dédiés aux recrutements, en nette progression par rapport à 2023, et la contribution au financement des mesures de revalorisations salariales. Mais les Ehpad publics s'ancrent dans une situation dégradée.

75 jours de trésorerie- 37% des Ehpad ont indiqué avoir rencontré des difficultés de trésorerie en 2024, et 29% avoir été conduits à différer le paiement de certaines charges, principalement vis-à-vis des fournisseurs mais aussi les charges sociales et fiscales. Pour la moitié des Ehpad répondants le nombre de jours de trésorerie d'avance ne dépasse pas 75 jours ce qui atteste d'une situation particulièrement tendue.

Cotisation CNRACL, l'épée de Damoclès

« Nous sommes à la côte d'alerte, les Ehpad publics ne sont désormais à l'abri de rien », a résumé Marc Bourquin, « d'autant qu'au lieu d'enlever les boulets qui les entraînent vers le fond, ils vont affronter un sensible alourdissement de leurs coûts salariaux », a surenchéri Zaynab Riet. En cause, la hausse massive des cotisations retraite à la CNRACL des employeurs de la FPH et de la territoriale de + 3% chaque année en 2025, 2026, 2027 et 2028 (après +1% en 2024) : de 34,65% au 1er janvier 2025 le taux passera à 43,65% au 1er janvier 2028.

La compensation prévue en 2025 n'est que très partielle contrairement aux hôpitaux, elle ne porte que sur la section soins, pas l'hébergement et dépendance votés par les département, et encore, sans aucune garantie pour 2026, 2027 et 2028. Pour un Ehpad de 100 places dont l'effectif est de 60 fonctionnaires, l'impact 2025 représente 57 600 euros, soit un poste équivalent temps plein d'infirmière. Pour le même Ehpad, la charge supplémentaire sera de 187 000 euros en 2028 soit presque 4 ETP.

Distorsions socio-fiscales- « C'est l'avenir même du secteur public médico-social qui est en jeu » selon les responsables de la FHF qui demande une compensation intégrale. Pour elle, cette épée de Damoclès des cotisations CNRACL va aggraver les distorsions socio-fiscales qui pénalisent les ESMS publics qui :

- ne bénéficient pas des allègements généraux de cotisations dont bénéficient depuis 2019 les établissements privés associatifs et commerciaux;

- sont leur assureur en propre pour le risque maladie ;

- ne bénéficient pas non plus de l'exonération de taxes sur les salaires octroyée aux Ehpad de la fonction publique territoriale.

Ces différences de traitement placent les Ehpad publics de la FPH dans une situation de désavantage concurrentiel et expliquent qu'ils soient plus déficitaires que les autres. La FHF qui demande l'objectivation de ces distorsions, rappelle l'engagement, pris par Charlotte Parmentier-Lecoq, ministre déléguée chargée de l'Autonomie et du Handicap, le 27 janvier dernier devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, d'étudier la remise à plat de ces règles. La FHF alerte de nouveau sur le caractère désormais structurel de la situation financière dégradée des Ehpad publics et sur le cumul des déficits depuis 2022 qui dégrade les capacités d'autofinancement, donc d'investissement, et obère toute projection dans l'avenir pour l'offre médico-sociale publique en direction des personnes âgées.

A noter : environ un tiers des Ehpad publics auraient fait le choix des tarifs différenciés avec en général une limitation à 15% de la hausse pour les entrants non bénéficiaires de l'aide sociale