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25/06/2025  - Privé lucratif  18085

Cour des comptes : un rapport ravageur sur le Groupe Bridge

C'est avec difficulté que la Cour des Comptes a exercé le contrôle du groupe Bridge et ses 31 Ehpad sur la période 2019-2023. Son rapport tient du réquisitoire.


Un rapport, ravageur, de la Cour des comptes sur le groupe Bridge est rendu public ce 25 juin après avoir été divulgué hier à quelques journaux et agences triés sur le volet... dont Géroscopie n'a pas eu l'heur de faire partie. Le contrôle constitue la première application de la compétence de la Cour des comptes sur un groupe privé gestionnaire d'Ehpad à but lucratif, incluant la société holding et ses filiales intermédiaires

Commençons par une précision de dates importante, pas forcément relevée dans la presse grand public : ce rapport porte essentiellement sur la période 2019-2022, avec des éclairages sur la gestion 2023 et « donc exclusivement sur la gestion du président fondateur du groupe Bridge, Charles Mémoune », écrit-il, sans avoir pu « apprécier celle de la nouvelle gouvernance du groupe Bridge en place depuis l'été 2024 ».

Delphine Mainguy, la nouvelle présidente exécutive que Géroscopie a interviewée dans son numéro de mai-juin (« Bridge sur la voie de la reconstruction ») n'a pas manqué de réagir dans un communiqué de ce jour : « les constats de la Cour des Comptes sur la gestion passée du groupe rejoignent le diagnostic que nous avions établi. C'est ce diagnostic qui nous a conduits à engager une transformation en profondeur dès septembre 2024 ». Le groupe d'aujourd'hui est contraint de se dédouaner des errements du groupe d'hier.

Le rapport lui-même ? La Cour des Comptes note d'abord que le contrôle a rencontré des difficultés inédites, le groupe Bridge opposant de nombreuses entraves : retards et refus de communication, réponses partielles, absence de données agrégées, refus d'accès aux logiciels, ce qui a considérablement allongé les délais

Et sur le fond, on n'est pas loin du scandale, pas à échelle d'Orpea -

Bridge ne totalise « que » 31 Ehpad commerciaux pour 1 771 places et 984 équivalents temps plein-, mais un scandale tout de même.

Ses 112 pages, étayées, documentées, assorties d'exemples précis, sont articulées autour de lourds griefs concernant une organisation, une gouvernance, un fonctionnement, une politique RH restrictive et des choix de gestion « qui pèsent sur la qualité de services attendus» et conduisent à « ne pas répondre aux besoins des résidents ». Effectifs soignants insuffisants ajustés aux taux d'occupation avec des contrats courts, instabilité des équipes préjudiciable à la bonne connaissance des résidents par les personnels, niveau de prestations hôtelières « modeste », priorité à la maîtrise des coûts en matière de restauration... on devine sans peine les répercussions sur le quotidien des résidents ! Pourtant, et malgré une utilisation peu transparente des financements publics, les pouvoirs publics ne sont pas intervenus alors que le groupe né en 2017 connaissait un essor rapide. Car ce réquisitoire raconte aussi, entre les lignes, l'histoire d'un jeune entrepreneur aux dents longues qui ambitionnait d'intégrer le top 3 des groupes commerciaux, suivi en cela par ses actionnaires, il faut le souligner. Le scandale Orpea l'a stoppé dans son élan. Mais sinon ?