Dans le n° 74-novembre 2016  -  Chronique  5977

Bien vieillir : art de vivre ou norme sociale ?

Popularisé depuis les années 2000, avec la prise de conscience progressive de la rupture démographique et sociale liée au vieillissement de nos sociétés, la notion de bien vieillir se situe dans la veine d'un discours moralisateur, fondée largement sur la crainte des effets culturels et sociaux d'une " seniorisation de la société ".

 Il repose aussi sur une culture d'injonctions hygiénistes et sur une prise de conscience progressive et encore mal partagée des apports de la prévention.

Mais le bien vieillir indique aussi les évolutions dans les représentations sociales de l'avancée en âge. S'il est possible de bien vieillir, alors prendre de l'âge n'apparaît plus -ou pas- seulement comme une malédiction, une défaire, un échec.

Comment définir le bien vieillir voire le vieillir bien ?

S'agit-il de vieillir longtemps ou de vieillir jeune ? Est-ce d'abord d'être en forme, de plaire, de faire jeune ? L'enjeu n'est-il pas de vieillir dans la convivialité, de développer des liens sociaux, de participer à la vie commune, d'être un contemporain ? Bien vieillir serait en premier lieu, la capacité à avancer en âge en bonne forme et en acceptant, avec un minimum de recul, les années qui s'ajoutent. A l'inverse, bien vieillir ce n'est pas battre des records sportifs, s'affronter avec des plus jeunes, récuser son âge, jongler entre déni et défi, courir après une jeunesse perdue... En tout cas, cela ne résume pas pour l'immense majorité des personnes l'intérêt de bénéficier d'une vie plus longue. Au contraire, la problématique d'une avancée en âge sereine repose sur la capacité à maintenir et développer le plaisir et le sens de vivre, à entretenir un capital social, au sens de Robert Putnam où il s'agit de la capacité de l'individu à rester en lien avec les autres, avec ses semblables1. Bref à se sentir bien dans sa peau, bien dans son âge, bien dans sa relation au monde.

Le bien vieillir, une norme sociale ?

L'enjeu du bien vieillir ce n'est pas de répondre à une norme imposée par la société jeuniste où le " bon vieux " serait celui qui ne gêne personne, qui reste jeune, qui se met en retrait du jeu social. Et qui ne coûte rien à la société. L'enjeu n'est pas, non plus, de chercher à imposer une autre norme qui soit juste l'opposé du jeunisme.

Non le bien vieillir se doit de s'inscrire dans une dynamique, une attitude, une manière de vivre dans l'histoire, tout en préservant, dans la mesure du possible, une capacité physique et neurologique d'autonomie.

La notion du bien vieillir repose à la fois sur une appropriation individuelle et sur l'invention d'un récit collectif en faveur de la société de la longévité et de l'intergénération. La prise de conscience collective du second favorisant les évolutions des comportements individuels.

@Guerin_Serge

Professeur à l'INSEEC Paris

Directeur du MSc " Directeurs des établissements de santé "

Dernier ouvrage : Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors, Michalon