Dans le n° 49-octobre 2014  -  Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie  4281

" Une loi moderne dans sa compréhension du parcours de vie "

Issu d'une large concertation, le premier volet de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement s'appuie sur une démarche nouvelle : financement responsable, priorité à la prévention, reconnaissance des aidants, mobilisation transversale des politiques publiques... Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie, donne les détails sur ce changement de démarche et de regard.

Quel est l'esprit général de la loi Autonomie??

C'est un projet de loi extrêmement moderne car il rompt avec l'histoire de la prise en charge du vieillissement qui était liée au dénuement et à la dépendance. Ces deux facteurs étaient la clé d'entrée dans les politiques de vieillissement. Le projet s'intéresse à la prévention et à l'accompagnement de la perte d'autonomie, plus qu'à l'entrée dans la dépendance. Quand j'étais maire-adjoint à la santé il y a 20 ans, nous avions mis en place des ateliers de prévention des chutes chez les personnes âgées. Aujourd'hui, on parlerait d'activité physique adaptée. Ce changement de regard s'accompagne d'une démédicalisation de la vieillesse.
Ce qui fonde ce projet de loi, c'est le fait qu'environ 80?% des gens vieillissent sans perte d'autonomie. C'est aussi à ceux-là qu'on s'adresse pour qu'ils restent dans cette catégorie. Pour l'instant les politiques publiques n'avaient pas clairement ciblé cette population.

La prévention est-elle seulement l'affaire du ministère des Affaires sociales??

Un rapport annexé à la loi dit que l'ensemble des politiques publiques est mobilisé?: logement culture, transports, urbanisme, sport...
La déclinaison locale est déjà avancée?: le réseau des villes Amies des aînés est dans cette réflexion sur l'adaptation de l'urbanisme. Dans la loi, cette dimension se traduit par 40?millions d'euros pour l'ANAH (Agence Nationale de l'habitat) pour l'adaptation des logements privés, et un budget pour l'amélioration des aides techniques, qui favorisent la préservation de son autonomie chez soi. Une des problématiques est celle des personnes qui vivent dans des petits pavillons avec un étage. Comment réinstaller une vie au rez-de-chaussée?? Dans le parc social, le travail est commencé. Les critères d'accessibilité prévus pour les personnes handicapées bénéficient aux personnes âgées. Une douche à l'italienne c'est mieux qu'une baignoire...
En matière de prévention, différents émetteurs de financement agissent?: si nous prévoyons 40?millions en actions de prévention en logements-foyers pour le forfait Autonomie, il y a aussi l'action des caisses de retraite et des conseils généraux. Ainsi les CARSAT et La Poste travaillent ensemble pour identifier les personnes isolées. C'est tout à fait dans l'esprit du projet de loi?!
Enfin, en créant la conférence des financeurs au niveau des départements avec une présence renforcée des ARS pour marquer la place de l'État dans le dispositif de prévention de la perte d'autonomie, nous créons les conditions d'une optimisation de l'utilisation des moyens dédiés à la prévention. L'idée est d'éviter les doublons ou de voir des territoires démunis.

Quels sont les amendements les plus marquants??

Nous avons réussi un beau travail parlementaire. Nous avons voté un très bel amendement?: l'accès à la nationalité pour les immigrés de plus de 65 ans vivant en France depuis plus de 25 ans et ayant des descendants français. C'est une vraie mesure de reconnaissance des travailleurs immigrés venus en France et qui y sont restés. C'est une déclinaison du rapport d'information Jacquat-Bachelay sur les chibanis ("cheveux blancs" en arabe).
Citons aussi la création du Haut conseil de la Famille et des âges de la vie. Il rassemble, dans trois sections différentes, enfance, famille et personnes âgées, et ce pour un décloisonnement des problématiques. La question des aidants intéresse la section Personnes âgées et la section Famille, les personnes âgées ont des aidants et ces aidants sont dans leur famille. Sur les services à la personne ou l'intergénérationnel, on peut imaginer que les travaux soient confrontés.

Il y a également les amendements sur les services à domicile (SAD)...

La situation de l'aide à domicile auprès des publics fragiles, déjà soulignée par le rapport de la Cour des comptes et le rapport sénatorial, est délicate. Le fonds de restructuration n'est pas une solution économique durable. Le double régime Agrément/Autorisation, s'il a aidé l'emploi, n'a pas simplifié le choix de l'usager, ni contribué à l'égalité républicaine ou à une couverture fine du territoire. Ainsi, un canton rural va disposer de deux seules associations autorisées alors qu'en milieu urbain, facile d'accès, on va trouver pléthore de structures. Les usagers sont perdus devant ce choix.
Notre orientation est de conforter la coordination et en particulier de donner aux SPASAD les moyens de sortir rapidement de l'expérimentation. Fusionner les SAAD et les SSIAD c'est mettre en oeuvre une prise en charge globale des personnes. Actuellement, la diversité des structures intervenantes n'est pas rationnelle sur le plan économique. Elle engendre un manque de communication entre les intervenantes à domicile, lesquelles sont dans une grande solitude. Les équipes sont demandeuses d'une meilleure connaissance de la personne et ce pour une aide plus efficace et adaptée.
Les SPASAD expérimentaux vont être éligibles aux financements accordés par les conférences de financement. Ils vont devenir des acteurs des politiques de prévention. On parle beaucoup des Forfaits autonomie dans les logements-foyers, toutefois le plus difficile c'est de toucher les personnes qui vivent chez elles.

Comment la Loi prend-elle en compte les aidants??

D'abord, la loi inscrit le mot dans le CASF. Le droit, c'est aussi des symboles?! La loi nomme et reconnaît les aidants, et donne un droit nouveau?: le droit au répit. Les aidants vont pouvoir se reconnaître et c'est essentiel?: ainsi l'adaptation d'un aidant à une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer se fait de façon empirique. Les médecins ont un regard technique aussi seul le réseau associatif peut donner des conseils pratiques... Mais pour aller vers ce réseau, il faut se reconnaître comme aidant?!
Le deuxième point est celui du répit. La loi alloue 78?millions d'euros par an à ce sujet. Soit une allocation de 500?euros par an soit 20?heures de services à domicile ou une petite semaine d'hébergement temporaire. À noter que les établissements vont devoir repenser leur offre de logement temporaire mais je suis confiante?: l'offre s'adapte toujours à la demande. J'ai vu des exemples intéressants?: un établissement de la Croix-Rouge dédié à l'hébergement temporaire qui avait des lits vides, un projet de vacances avec une double offre?: une structure classique avec bungalows, piscine... et des chambres médicalisées. Ces propositions vont se développer et il faut les faire connaître.

L'offre est hétérogène, se repérer est compliqué... spécialement quand on est salarié. Comment aider les salariés aidants??

La CNSA met en place un portail d'information pour recenser les offres. Toutefois la loi et les structures publiques ne font pas tout et il faut sensibiliser les entreprises?! Je travaille donc avec l'Observatoire de la parentalité, une très bonne porte d'accès aux entreprises investies dans la RSE. L'Observatoire a réuni énormément d'entreprises autour de l'accompagnement des jeunes parents. Les plus actives prennent des berceaux dans des crèches, d'autres aménagent les horaires, pour rendre compatibles les moeurs de l'entreprise et le fait d'être parent. L'Observatoire va donc se saisir prochainement du sujet des aidants.

En ces périodes de budgets tendus, la loi a-t-elle les moyens de ses ambitions??

Les moyens sont intrinsèques à la loi. La loi a été construite de telle façon que l'engagement des dépenses est encadré par les recettes. Cette approche, à laquelle on n'est pas habitué, pourrait être exemplaire dans les politiques publiques. Les mesures sont financées par le produit de la CASA, 650?millions d'euros par an environ. C'est une recette dynamique car assise sur le volume des retraites. Elle va donc augmenter avec l'arrivée des papyboomers. Nous avons engagé uniquement les mesures que nous pouvons financer. On peut bien sûr, comme dans tous les domaines, identifier des besoins supplémentaires mais sans garantie de financement.

Le volet concernant les EHPAD a été reporté...

Et il ne sera mis en oeuvre que si l'état des finances publiques le permet. Le sujet des EHPAD, c'est le reste à charge et non le volume de l'offre. La construction est dépendante des prix du foncier. Quand la population est dense, le foncier est cher et il y a peu d'EHPAD. Toutefois 13?000 lits sont budgétés et vont bientôt être installés pour accueillir les résidents.
Nous mettons en place en octobre un groupe de travail sur la réforme de la tarification des Ehpad. L'objectif est notamment d'identifier les tarifs socle et les clarifier pour le grand public. On peut commencer à travailler sans la loi?!

La loi vise le grand public, les personnes âgées sont fondues dans un grand Ministère... Quel message pouvez-vous transmettre aux professionnels de la dépendance??

La composition de mon cabinet est une garantie. Je cite entre autres Isabelle Bilger, chargée des établissements sociaux et médico-sociaux, précédemment responsable des Ehpad de la Ville de Paris, Katy Bontinck, conseillère sur l'accompagnement à domicile précédemment responsable du pôle domicile à la Croix Rouge, Céline Thiébault, conseillère sur l'action sociale, de la prévention, qui vient de la MFP.
D'autre part, la nouvelle loi est une loi de justice sociale?: hausse de l'APA, augmentation du plan d'aide d'une heure par jour pour les GIR 1, d'une heure par semaine pour les GIR 4, baisse du reste à charge... C'est une loi moderne dans sa compréhension du parcours de vie. C'est une loi juste, votée par la majorité parlementaire, en masse et avec bonheur. Nous avons eu avec l'opposition un travail constructif et respectueux grâce à des spécialistes, par exemple Bérengère Poletti. J'ai seulement regretté que l'opposition vote contre alors que la seule critique était "?on peut faire plus?".
Enfin, je veux dire aux professionnels que la fusion enfance/famille/personnes âgées porte cohérence sociologique et fonctionnelle?: les opérateurs sont les mêmes, conseils généraux ou commune, la réflexion est nourrie et cela va dans l'idée du parcours. Notre ministère est celui de la vie, de l'enfance jusqu'au grand âge. On y trouve l'essence même de l'humain?: avoir des parents, avoir des enfants...

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