Dans le n° 38-novembre 2013  -  Chronique de Pierre Parneix  1618

" La bonne manoeuvre "

Si vous êtes sensible à la pression, au sens hyperbarique du terme, vous savez naturellement remédier à ses conséquences ORL.

Ainsi après avoir inspiré, fermé la bouche, vous vous bouchez le nez puis faites monter la pression en tentant d'expulser l'air par les narines obstruées jusqu'à ce que les trompes d'Eustache se décollent et que les tympans se rééquilibrent. Si vous êtes de culture médicale, ou simple lecteur d'une des quelques 80 000 pages internet consacrées à cette pratique, vous savez donc qu'il s'agit de la manoeuvre de Valsalva avec deux "al" effectivement. Vous être probablement moins nombreux à relier ce mot à celui de son découvreur Antonio Maria Valsalva et si vous savez en complément que c'est en 1704 qu'il a décrit cette manoeuvre, votre place est sur un plateau de jeu télévisé pour tirer les justes dividendes d'une telle érudition.

Cette manoeuvre était utilisée aux premiers temps pour éliminer une suppuration ou un corps étranger de l'oreille. Ensuite, avant l'essor de l'échographie, c'était un test diagnostique de la myocardiopathie obstructive en raison de l'hyperpression thoracique qu'elle induit. Explorée sur le plan physiopathologique on décompose la manoeuvre en quatre temps où alternent hypotension et hypertension artérielles. Le pouls lui est d'abord normal puis augmente, se normalise à nouveau pour enfin décroître. Le phénomène de syncope déclenché par les crises de fou-rires est aussi expliqué par le mécanisme de Valsalva avec l'hypoperfusion cérébrale qu'il induit et la stimulation vagale associée.

Si sa manoeuvre a permis au nom de Valsalva de rester célèbre, elle ne constitue qu'une minime partie de son traité intitulé: "Da aure humana tractatus". En effet, ce professeur de chirurgie italien a aussi été le découvreur de l'anatomie et de la physiologie de l'oreille. D'ailleurs, si vous voulez prendre la mesure de ce berceau de l'anatomie moderne qu'est la province d'Emilie-Romagne il faut impérativement vous rendre à l'université de Bologne. Dans le somptueux bâtiment appelé Archiginnasio se trouve une somptueuse salle d'anatomie. Construite intégralement en bois en 1637, sa chaire professorale trône au dessus de la table de dissection avec deux écorchés qui surplombent le siège du maître. Cet univers architectural rappelle plutôt celui d'une église que d'un amphithéâtre mais les statues que l'on y admire sont ici celles d'Hippocrate ou encore de Galien.

Le sens clinique hors du commun de Valsalva le poussa à décrire tous les symptômes prodromiques qui précédèrent sa mort en 1723 d'une crise d'apoplexie, nom d'usage à l'époque pour l'accident vasculaire cérébral. Parmi ceux-ci il rapporta son anosmie progressive puis la dyslalie, un trouble de l'élocution souvent lié à la mobilité altérée de la langue, dont il fut victime.

Son élève Morgagni lui rendit ce bel hommage de son vivant: "Il y n'y a aucun de ses contemporain qui le dépasse, très peu qui l'égalent".

Et vous, savez-vous user à bon escient de la manoeuvre ?

En savoir plus:

http://www.youtube.com/watch?v=2HNJigkS0Bw