Confrontée à un marché de plus en tendu, la filière du linge travaille et s'organise pour réduire ses émissions, ses déchets et gérer au mieux l'utilisation de ses matières premières. Comment s'inscrire dans un cercle vertueux et pérenne, qui concilie qualité, exigence économique et respect de l'environnement ?
Vers une économie circulaire
C'est bien sur cette problématique qu'Anett, spécialiste du linge, travaille depuis 2011. « Les rebuts, dont la gestion était le plus souvent laissée à l'initiative des antennes locales, se trouvaient enfouis ou vendus à des chiffonniers » , explique volontiers Thierry Gourdineau, directeur du pôle Textiles. « Or il restait souvent dans ces rebuts des pièces conformes qu'il était difficile d'identifier. » Un test a alors été mené pour tenter de les trier. « Nous avons mis en place un partenariat avec un ESAT local, un logisticien pour transporter les textiles et la communauté de communes nous a loué un bâtiment dédié. Le test s'est révélé si concluant qu'aujourd'hui l'intégralité des rebuts transite sur ce site, à Thouars dans les Deux-Sèvres, soit l'équivalent de 700 tonnes, qu'on essaie de revaloriser ! Mais on continue de jeter des produits qui ne sont usés qu'à 50%, c'est un gaspillage énorme ».
Des usages multiples
Les produits conformes sont réadressés vers d'autres sites. La récupération permet de ne pas acheter de nouveaux textiles, et d'équilibrer les comptes. « Ce tri est aussi un indicateur qualité », ajoute Thierry Gourdineau. « Il nous a permis de mettre en lumière et d'alerter nos usines de certains dysfonctionnements, d'informer de la présence de rebuts qui ne devraient pas y être. Nous avons dès lors remis du contrôle et redonné des éléments de gestion. »
Ce nouveau « linge conforme » permet également de bénéficier de produits disponibles immédiatement. « Il est utilisé en dépannage, notamment lorsqu'on signe un nouveau contrat et qu'il faut réaliser un trousseau rapidement. Le délai moyen de fabrication est supérieur à 4 semaines. Grâce à ce dispositif, nous pouvons satisfaire le client plus rapidement. »
Un stock de vêtements de travail
Aujourd'hui, Anett a constitué une plateforme de vêtements professionnels de second choix. « Les clients nous le demandent. On voit que les codes changent. Les jeunes notamment sont sensibilisés, n'hésitent plus à acheter des vêtements d'occasion. On sait que les prix vont augmenter et nous nous attachons à tout mettre en oeuvre pour conserver nos tarifs. Les événements de 2009, la flambée du prix du coton, a eu un impact sur notre activité et nous savons que cela peut recommencer. Il est donc indispensable de préserver nos ressources planétaires. La réparation en atelier et le recyclage deviennent une priorité ». Grâce à l'ESAT, Anett réorganise sa filière de recyclage. Un atelier de couture propose de réparer les dessus de lit. « On remet des biais. Avec de vieux vêtements, on crée des sacs à linge, des tabliers, voire même des sacs shopping que nous pouvons offrir à nos clients privilégiés ou lors d'opérations de communication. »
Des produits plus chers mais de qualité
Les industriels privilégient souvent les produits les moins chers, dans une logique économique bien compréhensible. « Cela paupérise le marché » , commente Thierry Gourdineau. « Faut-il acheter le produit le moins cher ou « mettre le prix » et renouveler moins souvent les stocks ? C'est une gestion sur la durée. En tous cas, c'est le choix que nous avons fait, notre parti-pris, car il faut changer les manières d'acheter et de consommer.
Il faut aussi travailler avec les clients pour qu'ils rendent le linge sale en échange du propre (cela limite les coûts de réapprovisionnement) ou n'endommagent pas le linge par négligence sous prétexte qu'il ne leur appartient pas. Nous avons constaté que certains de nos clients coupaient les noeuds des tabliers plutôt que de prendre le temps de les défaire. C'était trop contraignant. Or bien que cela coûte moins cher d'en acheter un neuf plutôt que de le réparer, nous avons opté pour cette seconde solution. Maintenant nous informons le client que la dégradation sera facturée. C'est une manière de le responsabiliser ».
Participer au changement des mentalités
La sensibilité autour du linge conforme « de seconde main » est de plus en plus prégnante. « Cela évolue dans le bon sens, nous sommes en phase avec la société actuelle. » Pour preuve, Anett vient de créer une boutique sur le site même de traitement. Ouverte au grand public comme aux professionnels pour écouler ses produits « conformes » (éponges, nappes, vêtements de travail...), cette boutique, bientôt accessible en ligne, répond au doux nom de Chiffanett. « Les gens qui bricolent beaucoup, notamment dans nos campagnes, sont très sensibles à cette possibilité d'acheter de la seconde main. Nous y vendons aussi les fins de série à des tarifs très intéressants. » Et phénomène non négligeable, des EHPAD viennent s'équiper de produits éponge car ils n'ont pas le budget pour investir dans des produits neufs.
« Ce marché prend un tournant très intéressant et devrait continuer de se développer car pour Anett, ces ventes permettent d'amortir les frais et d'autofinancer le dispositif », confirme Thierry Gourdineau.
Si l'engagement de cette entreprise familiale est entier, il implique une mobilisation sur l'ensemble de la chaine. La RSE se transforme dès lors en ressource tant économique qu'environnementale.