Dans le n° 103-avril 2019  -  Penser la longévité (Partie I)  10413

Vers des plaques tournantes du soin et de l'accompagnement des aînés ?

Réussir une politique de la longévité impliquerait de renforcer les politiques de mobilité, pour aider à lutter contre l'isolement des plus âgés (27% des plus de 80 ans affirment ne voir personne au moins un jour sur deux1) et d'adaptation de l'habitat pour faciliter la vie à domicile et réduire les risques d'accidents, et d'abord de chutes.

Cette politique contribuerait aussi à améliorer l'activité des artisans de proximité, et donc de l'emploi, et renforcerait le dynamisme économique des territoires. Pour faire face au vieillissement de la population, en particulier dans les bassins de vie éloignés des métropoles, il est vital de sortir d'une logique binaire d'opposition entre le domicile et l'EHPAD. Logique à la fois intenable humainement, au regard de l'image des EHPAD et de la difficulté de trouver des personnels de soin comme d'accompagnement hôtelier formés et mobilisés, et délicate économiquement, du fait du coût de l'accompagnement.

L'enjeu serait d'assurer le continuum entre le chez soi et, si besoin, la maison de retraite médicalisée.

Entre les deux, une variété de solutions existe déjà

Cela va dans le sens de l'évolution des aspirations des générations et la diversité sociale et culturelle en hausse de la société française.

Aujourd'hui, on connaît déjà une multitude d'initiatives, comme le bailleur social aquitain Logévie qui propose des résidences thématiques permettant à des habitants de se retrouver à partir d'un goût commun, comme une première autour de la musique, puis une deuxième autour du jeu, ou encore le soutien à la co-habitation intergénérationnelle, mais aussi les premiers développements de co-location générationnelle, comme DomoFrance à Bordeaux.

Signalons aussi la diversité des approches autour de l'habitat intergénérationnel ou les initiatives d'élaboration de petites unités d'habitat adapté portées par les communes ou les particuliers, ou d'habitat regroupé, soutenues par la CNAV, permettant de réunir plusieurs personnes dans des logements individuels mais leur offrant des locaux et activités communes.

De multiples initiatives se font jour, portée par des individus, par des bailleurs sociaux, par des mutuelles, par des communes...

De l'individuel dans le collectif, intergénérationnel

Citons la mutuelle Multilog qui avec le soutien de la ville de Limoges a développé son concept de résidence bi-générationnelle « AIMER », où cinq logements individuels sont habités par des aînés autonomes et un logement est réservé pour une co-location d'étudiants en santé. L'idée est à la fois de favoriser le lien social, de changer les regards, en particulier de futurs soignants, et de réduire les charges pour les étudiants.

De son côté, Ages & Vie réalise des petits ensembles de logements accueillant des aînés en perte d'autonomie et des familles dont au moins un membre est auxiliaire de vie. Cela permet de supprimer les temps de transport et de mutualiser les interventions rendant moins lourd le coût pour la collectivité.

Citons encore Souvigny en Touraine où la ville avec l'implication de la MSA a su réaliser un ensemble cohérent sur le même terrain composé d'une MARPA2 et d'un groupe scolaire permettant de mutualiser certains équipements et services et de renforcer le lien entre les aînés et les enfants, les familles et les professionnels. Les acteurs (secteur HLM, promoteurs, milieux associatifs, individus, collectivités territoriales...) inventent régulièrement de nouvelles approches plus douces, moins onéreuses, plus en continuité avec les désirs et besoins des personnes.

Plus largement, l'enjeu est d'inventer avec les seniors des solutions abordables et faisant du lien social et de la prise en compte de leurs attentes le coeur du projet.

Serge Guérin

Sociologue. Professeur à l'INSEEC, directeur du MSc « Directeurs des établissements de santé ». Vient de publier Les quincados Calmann-Lévy, 2019


01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.
02/11/2023  - Billet

J'ai tout compris!

Maintenant je sais... Jean Gabin récitait admirablement ce propos qui imageait l'une des valeurs de l'âge. Pour celles et ceux qui s'en souviennent, c'est déjà le signe d'un âge et d'une génération. Oui, je sais personnellement désormais quand l'âge est notoirement reconnu. De nombreux penseurs et spécialistes ont tenté de définir la frontière exacte afin de répondre à la question « Quand devient-on vieux ? ».  ...
02/11/2023  - Partie I

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

Chaque année, l'étude « Fractures françaises[1] » auprès de la population permet de saisir comment va - ou plutôt ne va pas - la société. Cette 11e édition invite à suivre l'évolution de la société sur une durée significative et à lisser certaines réactions liées à l'actualité. On pensera en particulier aux attentats islamistes de 2015.
01/10/2023  - Billet

Droit de visite et droit au risque

C'est reparti ! La rentrée génère ses traditionnels colloques, rencontres et occasions d'échanges. Exercices plus que classiques avec bien souvent la reprise de thèmes qui deviennent des « marronniers » selon le terme consacré en journalisme.  ...