Dans le n° 125-février 2021  - Ehpad associatifs  11607

Un « décret surprise » sur l'exonération de la taxe d'habitation

Les Ehpad et les petites unités de vie privés à but non lucratif bénéficient d'une exonération de leur taxe d'habitation à compter de 2021. Mais un décret imprévu leur demande d'effectuer une démarche avant le 1er mars.

La loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (art.16) a exonéré les Ehpad privés non lucratifs du paiement de la taxe d'habitation à compter de l'imposition sur 2021 (nouvel article modifié 1408 du code général des impôts-CGI). Sans condition de texte d'application.

Or un décret du 30 décembre 2020 publié le 31 prévoit que les Ehpad doivent adresser au service des impôts avant le 1er mars de chaque année « une déclaration conforme au modèle établi par l'administration précisant au 1er janvier de l'année d'imposition la liste des locaux concernés, leur adresse et leurs caractéristiques ».

Maître de conférences en droit public à l'Université de Paris 2 (Panthéon-Assas), Xavier Badin parle d'un « décret-surprise » qui va « au-delà de la volonté du législateur ». L'explication ? « Entre Ehpad non lucratifs et Ehpad lucratifs, les services fiscaux ne sont pas capables d'identifier les bénéficiaires de l'exonération, alors ils les chargent de se faire connaître ! » C'est d'ailleurs explicitement dit dans le décret... Et au moment où nous écrivons ces lignes (20 janvier), le document Cerfa à utiliser n'est pas encore publié... « Contrairement aux groupements, et faute d'information, les Ehpad isolés risquent de laisser passer la date, mais en cas de contentieux, la hiérarchie des normes met la loi au-dessus du décret et l'exonération restera de droit », rassure le juriste qui est aussi avocat d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Reste que cette exonération de la taxe d'habitation est une vraie victoire pour les Ehpad associatifs. « Cette belle victoire constitue un premier pas vers la reconnaissance de l'iniquité de traitement existant entre le secteur privé solidaire et le secteur public », s'était félicitée la Fehap à l'issue du vote de la loi de finances pour 2020.

En effet, jusqu'à présent, seuls les Ehpad publics en bénéficiaient - les Ehpad privés à but lucratif aussi mais ils sont assujettis à la cotisation foncière des entreprises (article 1407 du CGI).

« Les Ehpad associatifs sont quasiment tous agréés à l'aide sociale, ils participent à une mission de service public, il fallait mettre fin à cette rupture d'égalité », commente Xavier Badin. Les sommes en jeu sont considérables, de 30 000 à 300 000 euros par établissement pour le groupement de 7 Ehpad qu'il cite en exemple. Bien sûr, les conseils départementaux pourront revoir leur tarification à la baisse... mais pas forcément, et pas d'autant.

Mais il préfère, lui, parler de « demi-victoire » tant que tous les ESSMS privés non lucratifs, quelle que soit leur activité, ne bénéficient pas de cette exonération de la taxe d'habitation