Dans le n° 113-janvier 2020  - Stratégie d'optimisation  10853

Quand achats éco-responsables riment avec économies durables

Les EHPAD sont de plus en plus nombreux à plébisciter des achats plus respectueux de l'environnement. Un choix judicieux qui permet de réaliser des économies et donc de nouveaux investissements.

A Jasseron dans l'Ain, la Maison Saint-Joseph multiplie les initiatives en faveur d'achats plus respectueux de l'environnement, lesquels ont généré des économies conséquentes, permettant notamment le recrutement de personnels soignants.

C'est en 2013 que tout commence. Dominique Gelmini, Directeur de l'établissement qui accueille 105 résidents, s'inquiète de la forte augmentation des coûts d'achats alimentaires. A la même époque, la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (Fnaqpa) recherche des établissements volontaires pour la recherche-action baptisée Add'âge qui vise à définir, au terme d'un audit, des critères d'achats responsables sources d'économies. La Maison Saint-Joseph s'engage dans la démarche tandis qu'un cabinet d'audit chiffre le poids de la nourriture jetée à 290 grammes par jour et par résident, soit... Onze tonnes par an. En juillet 2014, des plats « moins garnis » sont proposés aux résidents. « Il a fallu mener un travail important pédagogique pour expliquer l'enjeu du gaspillage », témoigne Dominique Gelmini. Mais en quelques mois, les résultats sont au rendez-vous avec un taux de déchets stabilisé à 80 grammes par jour et par résident. Soit moins de 3 tonnes par an au lieu des 11 précédemment enregistrés. Dans la continuité de cette première réussite, l'EHPAD acquiert un déshydratateur pour évacuer les déchets : dix kilos de déchets se transforment au terme du processus de déshydratation à un kilo de poudre, qui s'apparente à de l'engrais, permettant d'économiser les frais d'évacuation de trois tonnes de poubelle.

En 2014, les 40 000 euros économisés sont réinvestis dans des travaux d'agrandissement de la salle à manger et dans du matériel de cuisine - fours à vapeur, VarioCooking Center... - pour dégager du temps du travail, immédiatement mis à profit pour enjoliver la présentation des assiettes ou encore réaliser davantage de desserts maison. « Notre projet s'est poursuivi avec un service à l'assiette permettant une plus grande maîtrise des quantités dispensées et l'équipement en lumières Led. Les économies de l'ordre de 40 000 à 50 000 euros chaque année permettent des investissements qui génèrent de nouvelles économies. Et en 2017, nous avons pu recruter 2,5 ETP d'aides-soignantes. La traduction des économies est devenue lisible pour tout le monde », se réjouit Dominique Gelmini.

En 2020, de nouveaux projets sont inscrits au calendrier pour pérenniser ce cercle vertueux : une machine transformera les protections usagées en une forme de chanvre qui servira à isoler les bâtiments et fournira des pellets pour poêles à bois. Soit une nouvelle économie de déchets de 40 tonnes par an. Et des panneaux photovoltaïques seront installés pour produire de l'électricité en autoconsommation. Militant convaincu, Dominique Gelmini présente toutes les initiatives sur le site de l'établissement pour sensibiliser ses collègues et tisser des liens, notamment intergénérationnels, avec les habitants de la commune « afin de les inciter à prendre de nouvelles habitudes en faveur d'un raisonnement environnemental. En outre, si nous n'avions rien fait, l'État aurait pu nous appliquer la taxe carbone dès 2020 ». Alors démarche environnementale ou économique ? « C'est un tout ! Les économies réalisées ne peuvent être niées. Sans oublier la dimension sociale liée aux récentes embauches et à un regain de sens au travail pour les équipes qui participent à un projet véritablement fédérateur », conclut le Directeur.

Achats responsables

A la Fnaqpa, Marion Briançon-Marjollet, responsable Développement durable a accompagné, avec l'expertise du cabinet Gerontim et de l'agence Primum Non Nocere, quinze établissements dans le cadre de la recherche-action Add'âge. « L'un des groupes de travail portait sur les achats responsables. Il s'agissait de définir la cartographie des achats (qui achète quoi ?) et de réfléchir aux critères d'achats responsables et à la relation avec les fournisseurs. La cartographie permet parfois de faire ressortir des achats renouvelés automatiquement tous les X mois sans vérification de la réalité des stocks. C'est donc un outil essentiel pour identifier les points d'amélioration de l'organisation et se poser la question suivante « Sur quels critères communs sont réalisés les achats ? » Ce qui peut impliquer parfois de modifier des habitudes d'achat « historiques ».

« Certains Ehpad, surtout ceux qui se sentent isolés, continuent de s'approvisionner auprès de pharmacies ou de distributeurs locaux à des coûts parfois discutables, note pour sa part Sébastien Taupiac, Directeur santé de l'Ugap. Si la démarche pouvait avoir du sens pour les produits mobiliers, elle mérite d'être remise en question pour les achats cliniques et technologiques compte tenu des enjeux de sécurité ou encore de protection des données ». Au terme de la recherche-action Add'âge, un modèle de charte présentant une politique d'achat écoresponsable a également été publiée dans le « Guide DD 2015, des ide?es pour le de?veloppement durable en maison de retraite »1. L'objectif de cette politique est ainsi défini : « Faire prendre conscience aux acheteurs de l'établissement, mais également aux fournisseurs et prestataires des enjeux économiques, sociaux et environnementaux en matière de relations commerciales ». L'établissement qui s'engage affiche sa volonté qu'à terme, « lors de chaque achat, une réflexion sur le coût global soit entreprise afin de répondre aux besoins en approvisionnement de la structure ». Avec trois priorités : la réduction des consommations énergétiques ; la réduction des impacts environnementaux et le bien-être et la sante? au travail.

Le Guide fourmille aussi d'exemples d'économies. A la résidence de l'Argentière à Vienne par exemple, ce sont tous les produits d'entretien qui ont été changés et une centrale de dilution mise en place. Résultat : en un an, le nombre de cartons est passé de 46 à 7 et le nombre de bidons de 342 à 13. L'économie générée, de 1 100 euros, a été immédiatement réinvestie dans l'achat d'une deuxième centrale vapeur ne nécessitant aucun produit d'entretien. « Le moindre coût n'est pas forcément le plus intéressant car vouloir acheter au prix le plus bas peut se payer en termes de durée de vie ou de consommation d'énergie, poursuit Marion Briançon-Marjollet. Il est par exemple préférable de payer un produit recyclable un plus cher s'il permet d'éviter de payer les coûts d'évacuation des déchets toxiques ». Elle invite donc les établissements à intégrer dans leur politique d'achat les trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental « sans attendre que les factures de déchets explosent ou que des dispositions législatives et réglementaires imposent de nouvelles contraintes aux établissements ». A titre d'exemple, une disposition prévoit qu'au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs devront comprendre au moins 50 % de produits sous signes de qualité (label rouge, AOC...) et 20 % de produits bio2. Et une circulaire du 21 octobre dernier oblige la restauration collective à auditer son gaspillage alimentaire d'ici 1 an. Or, l'obligation de mettre en place une filière de tri et de valorisation des biodéchets pour tous les établissements qui produisent plus de 10 tonnes par an est valable depuis 2016. Il est donc possible que des sanctions financières, pouvant aller jusqu'à 75 000 euros, soient prononcées dans les prochaines années maintenant que la pesée, et donc la connaissance de la production de biodéchets, est obligatoire.

Économies dans le champ de la restauration

En 2017, la Fnaqpa a lancé, avec Adef Résidences, un deuxième programme, « Maisons gourmandes et responsables » auprès de 500 EHPAD au niveau national. « Nous travaillons sur la restauration responsable. Nous démontrons qu'en diminuant le gaspillage alimentaire, les établissements peuvent économiser et réinvestir dans des produits locaux, bios et de meilleure qualité. Nous fournissons aux EHPAD un centre de ressources, des outils et nous les soutiendrons tout au long de l'année 2020 dans la réalisation de leur plan d'actions, y compris en les mettant en relation avec des chambres d'agriculture et des plateformes de producteurs locaux pour développer la réflexion sur les achats groupés », explique Marion Briançon-Marjollet. « Il faut toujours réfléchir en coût global en intégrant le temps de travail, ainsi que l'impact écologique en termes de consommation et de déchets ». En décembre 2019, la Fnaqpa a présenté les résultats du premier auto-diagnostic réalisé par 461 des 500 EHPAD engagés. Il en ressort notamment que le gaspillage alimentaire représente en moyenne 29 135 euros par an et par établissement, le poids des déchets alimentaires s'élevant, en moyenne toujours, à 150 grammes par personne et par repas. « 50% des EHPAD répondant sont engagés dans une démarche RSE, a commenté Marion Briançon-Marjollet. Pour l'autre moitié, cette initiative leur permettra de découvrir la RSE via la restauration et d'aller vers une démarche plus globale par la suite. » Au terme des deux ans d'accompagnement, la Fnaqpa proposera une boite à outils dès février 2021, disponible pour l'ensemble du secteur.

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