Dans le n° 98-novembre 2018  - Antoine Perrin, Directeur général de la FEHAP  10154

Le vieillissement devient un accablement. Pour la personne elle-même, pour l'entourage, pour les professionnels. Tous les chantiers sont urgents.

La Fédération des Établissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne Privés Non Lucratifs (FEHAP) intervient sur tous les champs de la santé et de l'accompagnement. Point d'actualité avec Antoine Perrin, son directeur général, à l'aube du 43ème Congrès de la FEHAP qui se tiendra en Bretagne les 28 et 29 novembre 2018.

Vous avez exprimé votre satisfaction lors de votre conférence de rentrée sur le projet de réforme du système de santé présenté par Emmanuel Macron, Ma santé 2022. Irait-on enfin dans le bon sens ?

Antoine Perrin : Cette réforme prend le problème à la source. Elle envisage enfin de vraies solutions structurelles, notamment en réhabilitant le premier recours. Le parcours de santé de l'usager est pensé à partir de son domicile par une politique de prévention adaptée. Avant le soin, les personnes âgées polypathologiques et dépendantes ont besoin d'attentions spécifiques. L'entourage, amical et professionnel, peut ainsi vérifier que la personne va bien, qu'elle a une autonomie et du mouvement, une hygiène satisfaisante, qu'elle réalise ses examens médicaux et prend ses médicaments... Nous sommes très favorables au développement de ce premier recours, comme des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé, CPTS. Si on veut vraiment que cela fonctionne, nous devons impliquer tous les acteurs du domicile, et en premier lieu les SAAD car ils seront à l'avant-garde. Concernant les professionnels de santé, nous insistons sur le rôle de tous les acteurs. Les médecins libéraux bien sûr mais aussi les infirmières libérales, de pratique avancée, les médecins salariés de premier recours, avec des temps partagés, mais aussi les pharmaciens... Sur les hôpitaux de proximité, nous manquons un peu de précision. Nous espérons qu'ils seront bien qualifiés. Dans certaines localités, il faudra sûrement que des structures existantes, publiques comme privées, soient adaptées pour devenir des hôpitaux de proximité dotés de premier recours, c'est à dire d'accès aux soins non programmés, imagerie, biologie, grâce à la télémédecine par exemple... avec une permanence pour les soins non programmés et les urgences jusqu'à 20h00 voire 22h00.

Sur le 2ème recours, nous sommes ravis de voir que l'hôpital public, dans les GHT, se restructure. Nous souhaitons, pour que cela aille plus vite et plus loin, que les tailles de certains GHT soient revue pour les ramener à une taille moyenne, de façon à ce qu'ils puissent être organisés avec une personne morale, un chef, un projet gradué. Pourquoi d'ailleurs ne pas les appeler GHP, P comme Public, afin de réduire la confusion sur la notion de territoires ?

Nous espérons aussi que tout l'appui mis sur le domicile, sur l'ambulatoire, ne se traduise pas par des ponctions sur notre secteur. On l'a vu dans le PLFSS 2018. Et c'est en train de se reproduire cette année. L'hôpital est globalement vertueux, mais à chaque fois qu'on est en-dessous des dépenses, non seulement nos tarifs ne sont pas relevés, mais les économies générées servent à combler le déficit de la ville.

Vos équipes sont très engagées dans le plan Grand Age et autonomie... en accord avec l'ensemble des fédérations...

Antoine Perrin : Oui il y a globalement un consensus sur le sujet. Notre système actuel est un peu binaire. On fait du domicile à tout prix jusqu'à ce que cela craque et alors on envoie les gens en EHPAD. Le domicile se termine par un échec et l'arrivée en EHPAD est vécue comme une catastrophe. Avec le papy boom qui pointe, si on ne change pas notre fonctionnement, on ira droit dans le mur. Nous souhaitons tous que l'on arrive à développer différentes alternatives autour du domicile (résidences autonomie, résidences services, béguinage, ehpad à domicile...) pour réhabiliter le domicile y compris avec une charge en soins ou en dépendance. L'EHPAD, comme l'USLD d'ailleurs, doivent alors être décentrés du schéma et accessibles pour des personnes, plutôt en fin de vie, pour lesquelles l'établissement sanitaire est justifié. Tout doit être fait pour faciliter l'inclusion de la personne âgée à son domicile. Il y a plusieurs défis : celui des professionnels à domicile mais aussi celui de la société car cela signifie une réinclusion dans les quartiers, une articulation avec les familles parfois éloignées. Il y a à la fois un sujet qui concerne l'État et les collectivités mais aussi les professionnels du domicile et la société civile. Les aidants (voisins, famille) vont jouer un rôle indispensable, qu'il est d'ailleurs impérieux de réhabiliter. Nous allons contribuer à ce que le sujet des aidants reste un sujet majeur. Il ne faut plus que cela soit un accablement d'être aidant.

On n'arrive plus à former suffisamment de professionnels. La responsabilité retombe donc sur les aidants justement...

Antoine Perrin : Oui absolument. On est dans une situation où le vieillissement devient un accablement. Pour la personne elle-même, pour les professionnels, pour l'entourage. C'est pour cela qu'il faut mener tous les chantiers de front. De façon à réhabiliter l'aidant, le professionnel et la personne âgée dans son parcours. Ce n'est donc pas seulement une question d'argent ou de technique. Il y a une réappropriation sociétale du sujet. A la FEHAP, nous prônons la vie au domicile, dans toutes les formes de domicile. L'EHPAD doit changer de nom, de contenu aussi. Mais attention les maladies dégénératives ne doivent plus être une raison d'entrer en EHPAD. Nous voulons proposer d'autres alternatives. Les EHPAD, qu'on pourrait renommer « établissements technicisés en soin et en accompagnement », doivent être des lieux de fin de vie, une fin de vie impossible ailleurs, et accompagnée en soins palliatifs.

Votre prochain congrès, les 28 et 29 novembre, a pour thème la responsabilité sociale et environnementale. Pourquoi ce thème ?

Antoine Perrin : La RSE, c'est la recherche constante d'amélioration de ce que l'on fait . C'est aussi l'évolution des conditions de travail des professionnels. La RSE, c'est également une responsabilité financière, surtout s'il s'agit d'argent public. C'est l'inscription dans un territoire, vis à vis d'une population dans ce territoire. Et enfin, c'est l'environnement. On a trop tendance à la résumer à une question de l'écologie, alors qu'elle concerne tous les dossiers sur lesquels nous travaillons.

Nous constatons que s'engager dans une logique de RSE est une spirale vertueuse ascendante. D'ailleurs avec notre application Nov'Ap, les établissements ont la possibilité de mettre en ligne toutes les initiatives innovantes. Elles sont classées par territoire et par type. C'est une manière de stimuler les adhérents de la FEHAP entre eux sur tous les sujets innovants. Nos Trophées de l'innovation priment également tous les ans des projets innovants en terme d'organisation, de pratiques, de nouvelles technologies, de RH...

Notre secteur est un secteur dynamique où la place à l'initiative personnelle et collective est grande. Ce Congrès est donc une nouvelle étape invitant à renouveler la dynamique.


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