Dans le n° 129-juin 2021  -  Prévention  11947

Le risque suicidaire en EHPAD, une réalité mal identifiée

L'adolescence avec ses bouleversements physiques, hormonaux et sociaux est parfois vécue très douloureusement, poussant certains à un acte irrémédiable, le suicide. Pourtant, même si les jeunes sont les plus concernés (1 pour 10 000 suicides), d' autres moments de vie restent sensibles et peuvent engendrer une grande détresse. C'est le cas de ce délicat moment qu'est l'entrée en Ehpad. Explications.

On appelle risque suicidaire le processus psychique créant un cheminement d'un état émotionnel négatif interne et prolongé, pour lequel, aucune solution n'apparaît, à un sentiment de désespoir et le souhait de tout arrêter.

Dans le monde, une personne se suicide toutes les 40 secondes. En 2010, on enregistrait en France pas moins de 10 333 suicides. Si ces chiffres paraissent déjà conséquents, ils le sont davantage pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Elles représentent en effet près de 32 % des individus concernés.

Peu étudiée, cette population affiche pourtant des taux d'une inquiétante stabilité avec les années. Il apparait également que plus la personne vieillit, plus les risques de passage à l'acte avec préméditation sont importants, avec un choix prégnant pour la pendaison.

Les hommes plus touchés que les femmes

Comme pour toute pathologie, les individus ne sont pas égaux face à ces passages à l'acte. Les hommes de plus de 65 ans (et de surcroît au-delà de 85 ans) sont plus sévèrement touchés que les femmes, notamment les personnes divorcées (suivies des veufs et des célibataires). Quelques moments sont particulièrement à risque, signes d'une grande vulnérabilité : la première année après le décès de la conjointe, le premier mois après l'entrée en institution, ainsi que les grandes dates anniversaires (60, 70, 80 ans). Ces périodes doivent susciter une vigilance particulière de la part des professionnels.

Le vieillissement des individus sonne souvent le glas de la vie professionnelle, amicale (changement du lieu de vie), voire familiale (éloignement des enfants ou des petits-enfants). Autant de changements qui peuvent inciter une personne présentant une certaine typologie ou certains troubles psychiatriques, à commettre l'irréparable, et ce, le plus souvent du fait de l'isolement social. Les individus les plus susceptibles de passer à l'acte sont les personnes sans projet de vie concret à court terme, aux comportements ou aptitudes peu propices aux changements, ayant peu de centres d'intérêt et un éventail d'émotions restreint.

Détecter les fragilités

La difficulté au sein d'une institution est bien évidemment la détection et la prévention de ces comportements. Quelques signes cliniques comme la perte de poids, l'insomnie, la fatigue, la dévalorisation, les difficultés de concentration ou les pensées récurrentes de mort, doivent alerter les professionnels. Même si de nombreux freins peuvent venir gêner le diagnostic : le turn-over des équipes, les difficultés inhérentes au lieu d'accueil (manque de temps, de personnel) comme les idées reçues sur le suicide. On entend souvent dire « si quelqu'un parle de suicide, il ne passera pas à l'acte » ou « il n'y avait pas de signes annonciateurs ». C'est faux. Nombre de gestes sont précédés de signaux précurseurs.

Accompagner les changements

Les institutions accueillant des personnes âgées ont engagé des changements majeurs depuis la fin des années 1970, pour devenir de véritables lieux de vie bienveillants, à l'écoute et offrant une continuité de soins. Pourtant la population vieillissante, en plus grande perte d'autonomie physique et la difficulté de recrutement et de maintien des équipes rendent difficiles l'écoute et la mise en place d'une prise en charge totalement individualisée.

Déménager, intégrer un lieu de vie collectif, renoncer à son domicile originel sont des changements majeurs pour un individu, qui doivent être accompagnés par des professionnels correctement formés, notamment sur les troubles psychiques. Il est également nécessaire d'instaurer des échanges professionnels, de créer des espaces d'analyse, pour détecter de manière précoce tous les signes cliniques en lien avec l'envie de mourir. Bien sûr, les médecins et les psychologues de structures bénéficient d'une place centrale dans la mise en oeuvre de protocoles personnalisés. La sensibilisation des équipes à la distinction "paroles et actions" semble primordiale, pour leur permettre d'identifier avec le patient ses besoins fondamentaux et les personnes susceptibles de devenir ressources en cas de problème.

Certains marqueurs temporels ont été identifiés comme majeurs dans les risques de passages à l'acte. Il devient dès lors indispensable de penser et réfléchir ces moments charnières en équipes, en proposant par exemple des accueils progressifs, comptant des temps d'adaptation plus ou moins évolutifs en fonction de l'état de perte d'autonomie physique et psychique des résidents. Des questionnaires d'évaluation peuvent également être mis en place. Ce travail minutieux et les précautions qui l'entourent sont autant de garanties d'une entrée plus sereine et d'un accompagnement de qualité.

Depuis une cinquante d'années, la société et les changements générationnels ont modifié la structure familiale, ils laissent peu de place aux personnes âgées. Le peu d'études sur le suicide de cette partie de la population en est la preuve. Néanmoins, nous avons aujourd'hui l'opportunité, si nous parvenons à leur restituer une place adaptée à leur état de santé, grâce à l'écoute, aux partages, à la considération et une véritable bientraitance, de stopper ce phénomène et faire de la fin de vie, non plus une angoisse, mais une continuité naturelle et paisible.

Gwendoline Didier

Psychologue...


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