Médecin coordonnateur de l'équipe mobile gériatrique extra-hospitalière (EMGEH) de l'hôpital Dupuytren à Draveil, le Dr Lilia Fernandes-Billaud a été confrontée à différentes problématiques d'hygiène dans les Ehpad depuis le début de la crise sanitaire. Témoignage.
La montée en puissance des équipes mobiles gériatriques extra-hospitalières
Si des formations étaient régulièrement assurées par des professionnels hygiénistes dans les Ehpad, la crise sanitaire a réellement fait prendre conscience de l'importance du sujet. « Avant l'arrivée de la Covid, dans l'Essonne et le Val-de-Marne, il y avait en moyenne moins de deux infirmières mobiles d'hygiène par département, témoigne le Dr Lilia Fernandes-Billaud, médecin coordonnateur de l'EMGEH de l'hôpital Dupuytren. Suite aux enseignements de la pandémie, les postes d'infirmières en équipe mobile d'hygiène se sont multipliés. Dans l'Essonne, qui compte quatre filières gériatriques, elles sont aujourd'hui quatre à assurer des formations et un accompagnement des professionnels en Ehpad. » Et à identifier des solutions très concrètes. « Dans de nombreux établissements, les repas sont pris en commun, ce qui est un écueil en termes épidémiques, illustre le Dr Lilia Fernandes-Billaud. La mise en place de repas en chambre a montré son efficacité pour lutter contre l'épidémie. Lors du premier déconfinement, il a ainsi été proposé de regrouper les résidents par affinités - les joueurs de belote par exemple - au même étage afin de faciliter le contact tracing et permettre aux résidents de continuer à avoir une vie sociale au sein de l'Ehpad. »
Mobilisation collective
Une autre évolution positive réside dans la facilitation du travail partenarial grâce aux visioconférences. « Lorsque nous avons dû gérer un cluster en Ehpad, nous avons pu organiser en trente minutes une réunion avec la direction de l'établissement, le Centre d'appui pour la prévention des infections associées aux soins (Cpias), les représentants de l'Agence régionale de santé (ARS), les représentants de la filière gériatrique du territoire et l'infirmière mobile d'hygiène », témoigne le médecin de l'équipe mobile qui pointe aussi certaines difficultés pour faire respecter les mesures d'hygiène. « À l'hôpital, notre mobilier et nos matériels sont adaptés à l'utilisation des détergents. En Ehpad, la personne est chez elle et elle peut apporter ses objets personnels (meubles, bibelots...). L'usage d'agents virucides est souvent plus délicat sur ces surfaces et requiert plus de temps. Par ailleurs, les personnels en Ehpad n'ont pas tous une formation de soignants, ce qui nécessite un temps d'acculturation. Enfin, si le résident n'a pas envie que vous entriez nettoyer sa chambre, c'est aussi un droit qu'il convient de respecter. » La création d'unités hospitalières Covid dès la première vague illustre un autre écueil entre les deux secteurs. « En Ehpad, les professionnels qui ont déménagé les résidents pour les isoler ont souvent disséminé le virus, sans le savoir bien entendu, d'où le choix qui a été fait dans un second temps de les laisser dans leur chambre. Ces personnels ont beaucoup souffert de cette situation. Leur sentiment de culpabilité associé à un attachement aux personnes qui est souvent très fort en Ehpad ont parfois nécessité une prise en charge de situations de stress post-traumatique. »
Et si l'épidémie de Covid-19 semble régresser grâce au respect des gestes barrières et à la vaccination, le Dr Lilia Fernandes-Billaud appelle à ne surtout pas relâcher les efforts. « Nous devons rester extrêmement vigilants car en cette rentrée, les cas de viroses - qu'il s'agisse de rhino-pharyngites ou de gastro-entérites - semblent repartir à la hausse. »