La participation des résidents s'en ressent en retour et l'animation est ainsi un bon témoin de l'ambiance générale et des contextes qui influent cette ambiance. Par exemple, une attitude de défiance ou de surprotection à l'égard d'un résident ou de sa famille peut provoquer des désaccords entre professionnels qui se manifesteront à l'occasion d'une animation ou une relation particulière entre un professionnel et sa hiérarchie ou encore un dysfonctionnement organisationnel ...

Dans les lieux de l'animation, écouter ce qui se dit et ce qui s'éprouve apporte une représentation utile des forces et des faiblesses de l'EHPAD.

Trois déterminants complexifient la démarche d'animation :

Les rigidités organisationnelles

Entre la nécessité d'un planning des soignants bien établi et la fragilité des résidents, il faut beaucoup d'énergie pour que tous s'accordent sur l'importance d'une activité. De fait, ce qui prime est l'organisation du travail avec le cortège des soins, des toilettes, de l'alimentation. Si un soignant est manquant dans cette chaine des tâches quotidiennes, c'est toute la prise en charge qui s'en trouve décalée. L'activité, considérée comme accessoire face au reste des services, n'aura pas lieu ou sera reportée.

Cette complexité pour installer une activité n'est pas à prendre à la légère. Elle rend compte de la difficulté à donner un temps singulier (un rythme) pour la prise en charge de chacun.

La possible émergence de rapports de force ou de pouvoir

Le fonctionnement d'un EHPAD n'échappe pas aux avatars de toute collectivité. Il s'y observe des rivalités, des alliances diverses ou des désaccords profonds avec des conflits ouverts ou secrets, latents ou explicites. Deux facteurs s'ajoutent : Pour chaque professionnel, certains patients évoquent une figure espérée ou redoutée du vieillissement. Cela se manifeste par des attitudes de surprotection ou de rejet qui peuvent aller jusqu'à la mise en place de relations exclusives et de comportements arbitraires. Par ailleurs, un tel environnement pousse ces professionnels... à faire l'enfant.

La complexité pour accueillir les personnes les plus étranges

Evidemment les EHPAD accueillent de nombreux patients. Il faut composer avec leur dépendance, leurs répétitions ou leur tendance à se mettre en danger. Dans certaines circonstances, un résident est agressif sinon violent. Ce n'est pas toujours prévisible et encore moins compris. Des attitudes de désapprobation sont exprimées par les familles quand elles sont présentes.

Garantir l'animation par un Comité d'animation

Une manière de conjuguer ces difficultés et d'en faire une valeur ajoutée est de constituer un Comité d'animation, différent du Conseil de Vie Sociale voulu par la loi du 2 janvier 2002. Ce comité favorisera l'émergence des questions relatives à l'animation et en garantira la pertinence. Mais en tant que Comité de pilotage des actions relatives à l'animation, il sera institué comme espace de réflexion spécifiquement consacré à ce sujet et comme instance décisionnaire dans ce domaine.

Comment se constitue le Comité d'animation ?

Un Comité d'animation comporte des professionnels, des résidents et des représentants des familles. Il est institué en accord avec la gouvernance de l'EHPAD et sa mission est de « connaître et traiter toutes questions relatives à l'animation ».

C'est une instance élue pour une durée déterminée significative, c'est-à-dire au moins un an, dans laquelle les résidents et les représentants des familles sont en majorité. L'intérêt de ces dispositions est de signifier leur responsabilité aux usagers puisque cette responsabilité est reconnue sinon déléguée.

Lorsque cette instance est constituée, elle élit son Président qui ne peut être un membre du personnel et se dote d'un règlement intérieur. Ce comité peut se réunir une fois par mois. Il dispose d'un budget autonome, dont le niveau est fixé par la direction de l'EHPAD.

Quel est l'intérêt d'un tel comité pour le fonctionnement de l'EHPAD ?

Ils sont nombreux :

- Permettre que certains rapports de force soient mis en mot dans un contexte nouveau. Ce qui peut s'énonce en raison de la nécessité des soins est ici mis en perspective avec les avantages à prévoir d'une activité. Faire vivre un comité, c'est dire que la maladie ou la perte d'autonomie ne sont pas des aléas qui fixent définitivement l'impossibilité à être actif.

- Montrer l'importance accordée aux activités et aux personnes car la vie quotidienne est l'affaire de tous. Si un résident ou un aidant souhaite parler d'une activité, de ce temps qui passe en EHPAD, il peut venir s'adresser au comité. De même, si la forme d'une activité ne convient pas, qu'elle est l'occasion de désaccords, qu'elle est reportée sans explication, il peut venir en témoigner.

- Valoriser l'idée que l'animation est un « faire-ensemble » qui ne relève pas d'une prescription mais d'une décision collective. Avec un comité d'animation, les projets comptent autant que leur réalisation. Faire des projets, c'est en effet accéder à des espaces de rêveries, d'espoirs ou d'inquiétudes qui agissent comme des mécanismes de pensées utiles pour des personnes déficitaires.

- Faire des projets à plusieurs, c'est-à-dire offrir à ceux qui ne les réalisent pas, le sentiment d'avoir tout de même oeuvré, ce qui est essentiel dans le champ de la perte d'autonomie.

- Finalement, responsabiliser les occupants en favorisant l'émergence de liens sociaux noués par des amitiés inattendues, des alliances ou des conflits.

Comment le faire vivre au quotidien ?

L'existence d'un comité d'animation doit être connue de tous ceux qui fréquentent l'EHPAD, salariés et usagers, vivement incités à y participer. Les compte-rendus des réunions de ce comité sont accessibles à tous.

Chaque réunion propose un suivi des activités déjà en place, une aide à la mise en place d'activités nouvelles, une réflexion sur les développements possibles Le comité peut se saisir de toute question relative à son champ de compétence. Par ex, la réflexion sur les dispositions prises lorsque le référent d'une activité est absent ou l'arbitrage retenu entre deux activités concurrentes.

Ces réunions se déroulent dans un espace défini. Elles sont très clairement annoncées dans l'EHPAD et les membres du comité peuvent déterminer entre eux si ces réunions sont ouvertes ou si elles sont plus restreintes. Des invités peuvent être attendus pour une réunion spécifique : une personne de la Direction, quelqu'un souhaitant évoquer une activité particulière, un nouveau résident...

Chaque année, le comité rédige un rapport d'activité sur les animations. Il peut aussi organiser une « grande réunion annuelle du comité » au cours de laquelle tous ceux qui fréquentent l'EHPAD sont conviés.

Jérôme Pellerin

Psychiatre