Dans le n° 120-septembre 2020  - Demain, maintenant  11273

La 5è branche : autonomie ou dépendance ?

Des crises peuvent naitre les pires des catastrophes ou le renouveau. L'irruption de la Covid dans un monde parfaitement impréparé et convaincu de sa supériorité technique n'a pas fini de causer des troubles, des remises en causes, des désespérances, des drames.

Le confinement et ses suites ont été marqués par une lourdeur bureaucratique délétère et une inaptitude à décider, déléguer ou faire confiance pathologique... Mais nous avons vu aussi, une société responsable en capacité de rebond et d'auto-organisation. On pensera bien sûr aux très nombreux soignants et personnels intervenant dans les lieux de soin qui se sont mobilisés sans compter. Mais aussi à ces professionnels, bénévoles ou élus qui sont restés sur le pont durant les moments difficiles.

Comme dans toute situation de crise, la nature humaine montre sa diversité : le pays a connu des moments de solidarités formidables au sein d'un village, d'un immeuble, d'un groupe de collègues ou d'étudiants, mais aussi des barbaries qui explosent dans un bus ou dans les travées d'un magasin. La formule de Gramsci revient comme un rappel à l'ordre : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

Rien n'est assuré pour demain

Nous ne savons pas quel sera le débouché politique de cette catastrophe dont les effets sociaux (chômage des jeunes, peu ou mal diplômés, et des seniors), civiques (fractures croissantes entre les métropoles et la France Périphérique), culturels (confrontation entre le bloc central aussi inquiet que fragile et les marges toujours plus tentées par le communautarisme et l'intolérance), économique (accélération de la désindustrialisation et de la digitalisation des services) sont loin d'être circonscrits et connus. Mais de cette crise, marquée par la prise de conscience de la seniorisation de la société, peut naitre de belles surprises. Ainsi du retour de la « cinquième branche » de protection sociale dans l'actualité. Dès 1962, Pierre Laroque, fondateur de la sécurité sociale, avec le ministre communiste Marcel Paul, expliquait la nécessité d'une solidarité nationale envers les plus âgés. Il s'agissait, à côté des quatre risques pris en compte par la sécu d'ajouter la « dépendance ». Le sujet avait été très présent dans les années 2000, puis oublié. Et voici que l'Assemblée a voté le principe d'une cinquième branche !

Pourquoi branche et non risque ?

Sans doute que cette dénomination indique que ce ne sera pas la sécurité sociale qui pilotera ce déploiement de la protection sociale, mais la CNSA, la CNAV ou une autre structure. Regardons le mode de gouvernance, la capacité à fédérer les financements et la vision de la solidarité. La place des démarches assurantielles et mutualistes devra être posées. Au-delà du financement, il me paraît impératif de penser une politique volontariste, collective et individuelle, de la prévention. Plus largement, l'instauration d'un financement à la hauteur des enjeux doit aussi nous conduire à valoriser la seniorisation de la société, les métiers du care qui y sont associés et penser les Ehpad adaptés aux besoins et désirs de demain. Finalement, allons-nous rester dans un financement de la dépendance ou nous inscrire dans une politique accompagnante de l'autonomie de tous ?

Serge Guérin

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », auteur de Les quincados, Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.