Dans le n° 94-juin 2018  -  Initiatives  9912

Jeunes et vieux, chantons !

Réunir des enfants, des hommes et des femmes de tout âge, des voisins, des amis, des inconnus autour d'une passion commune, partager le plaisir de chanter, découvrir un répertoire varié, composé de chansons traditionnelles ou de tubes à la mode, tel est le pari réussi de Micha Stafford, chef de choeurs des Chorales inclusives.

" L'aventure a démarré il y a maintenant 15 ans, avec l'intégration d'un enfant handicapé dans une de nos chorales ", explique Micha Stafford. " Au début, il accompagnait sa soeur à ses cours de musique. Il était mutique dans son fauteuil roulant mais au fil des séances, j'ai vu ses mains se détendre et son regard se stabiliser. Quatre ans plus tard, il chantait juste, et avec les paroles. Nous avons alors mesuré ce que la chorale inclusive avait permis de réaliser comme chemin. Pour lui bien sûr mais aussi pour les autres enfants de la chorale qui pendant plusieurs années avaient pris l'habitude de redresser sa main tombée du fauteuil ou de le déplacer en fonction des besoins... ".

Sollicitée par la maison de retraite

A l'époque, la chorale est intervenue plusieurs fois dans une maison de retraite du département (92). " La directrice a souhaité que nous montions une chorale au sein même de l'établissement. L'idée était tentante, à condition qu'elle soit ouverte sur l'extérieur. J'ai alors invité les voisins à nous rejoindre. Et à ma grande surprise, 25 personnes ont répondu positivement. " Cette chorale existe maintenant depuis 7 ans. Le mouvement s'est développé puisqu'une quarantaine de chorales inclusives ont été créées, portées par une association nationale. Des formations ont été spécialement conçues à la Philharmonie de Paris, pour les chefs de choeurs intéressés par cette démarche singulière qui associe musique, lien social, relations intergénérationnelles et gisement d'emplois. " Nous voulons créer un réseau de chorales car les chefs de choeur se sentent isolés. L'idée est de proposer des concerts communs, des groupe de travail et des ressources documentaires (articles, partitions, arrangements). "

Des séances construites

La réactivité du chef de choeur est essentielle. Il doit pouvoir s'adapter à toutes les situations et répondre aux besoins des chanteurs. C'est la raison pour laquelle il n'a pas de partition, privilégiant la présence et l'intensité du regard. Certaines difficultés sont toutefois propres au public âgé. " Parfois on ne comprend pas ce que nous dit la personne, nous devons faire face aux vociférations d'injures d'un vieillard ou informer du décès d'un des membres de la chorale. Cela peut se révéler délicat. Je suis très attentive à ce que les liens ne soient pas trop intimes pour éviter des souffrances aux plus jeunes ", confirme Micha Stafford.

Une expérience collective

Mais ce qui est intéressant, c'est que les enfants ne viennent pas dans la maison de retraite pour visiter une personne en particulier, un grand-père ou une grand-mère, mais pour chanter dans la chorale. " C'est une démarche très différente ", ajoute Micha Stafford. La présence des enfants suscite beaucoup de gaieté et il semble clair que le bien-être est partagé. Les résidents s'apaisent au cours de ces séances de chant qui durent entre 1h et 1h30. Les sourires reviennent sur les visages, la chorale inclusive semblant développer leur capacité à être en lien.

Un plaisir partagé et qui n'est pas prêt de s'arrêter...