Dans le n° 130-juillet 2021  - Partie II  11978

Intergénération ou nouvelles coopérations ?

Trois raisons militent dans le sens d'un renforcement ou du moins d'une permanence de l'intergénération : la catastrophe pandémique a été marquée par la multiplication de « solidarités minuscules » ; la force et le besoin de réciprocité dans le lien social ; l'âge n'est pas une clé suffisante pour expliquer les comportements et les représentations.


Covid et intergénération

Les différents confinements et effets du virus ont largement été marqués par les discours opposant les âges. Ainsi, chacun a en tête les images, maintes fois diffusées, de jeunes qui ne craignent pas le virus et qui font la fête, discours sur les étudiants qui ne se préoccupent guère du sort des aînés ou au contraire de retraités qui empêchent le développement de l'emploi et de l'économie... Cette réalité existe. Comme les quelques « vieilles gloires » des médias appelant leurs congénères à se confiner et à accepter de mourir pour ne pas sacrifier l'avenir des jeunes.

Mais le réel est bien plus riche et pluriel : la société n'est pas uniforme. Durant ces mois de confinements et de gestion complexe de la pandémie, les relations entre les générations, et pas seulement des plus jeunes et des plus vieux, ont été multiples, innovantes, solidaires... Ces « solidarités minuscules » concernaient aussi bien des enfants adressant des dessins aux habitants des maisons de retraite, des étudiants aidant des collégiens, des jeunes cherchant à faciliter l'accès des aînés aux outils numériques, des jeunes proposant d'aller faire les courses des plus âgés, des âgés faisant des repas pour leurs cadets, des seniors s'impliquant dans le soutien à la recherche d'emplois... Bref, la solidarité intergénérationnelle n'a pas été un vain mot depuis mars 2020.

Une intergénération de réciprocité

Mais la problématique de l'intergénération repose sur des dynamiques de réciprocité qu'il importe de mettre en lumière. Une dynamique qui va à l'inverse de la fragmentation croissante de la société.

La relation intergénérationnelle implique aussi différentes formes de transmission : celles actives de compétences et connaissances, mais aussi celles de l'ordre du symbolique[1]. Elles recouvrent les échanges réciproques, le temps accordé, l'écoute, la présence... La problématique pour toutes les générations, et encore plus dans la période actuelle, est de maintenir et développer le sens et le plaisir de vivre, d'entretenir un capital social au sens de Putnam, où il s'agit de la capacité de l'individu à rester en lien avec les autres, avec ses semblables[2].

Aujourd'hui la transmission est double : les plus âgés ont l'expérience, les plus jeunes l'appétence pour les technologies numériques. Elle ne répond plus à une seule logique descendante mais permet la réciprocité de l'échange égal. C'est d'ailleurs au sein des entreprises et plus généralement des organisations de production de biens et de services, que s'exerce par nécessité cette double transmission. L'un des ressorts de la performance de la structure provient de la qualité de la coopération entre les générations, entre les personnes qui composent ce collectif. Le sondage Odoxa pour La Cohorte, publié fin 2020, montrait d'ailleurs que pour pratiquement 70% des Français, l'aide au sein de l'entreprise est un des marqueurs les plus présents du soutien entre les générations, bien avant les questions financières.

@Guerin_Serge

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », président de l'Agence des MCA, auteur de Les quincados , Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.