Dans le n° 131-septembre 2021  - Partie III  12116

Intergénération ou nouvelles coopérations ?

Pour faire suite à mes deux dernières chroniques sur l'intergénération, je me centre maintenant sur ce qu'elle dit de l'évolution de la société.

D'abord, la vision centrée sur les oppositions entre générations met sous le boisseau de l'idéologie la richesse et la diversité des manifestations de solidarité entre les générations. Celles-ci se développent en particulier dans la cellule familiale, y compris lorsqu'elle est recomposée. Elles sont aussi très actives dans l'ensemble des relations sociales. Combien de jeunes étudiants doivent à des grands-parents de pouvoir poursuivre décemment des études, combien de couples bénéficient d'un logement prêté ou loué à un tarif en dessous du marché ? Des aînés vont garder les enfants, aider à faire les devoirs ou encore procéder à des démarches administratives qui doivent se faire impérativement à des heures où la plupart des actifs travaillent. Ces interventions sont d'autant plus aisées que les seniors d'aujourd'hui sont mieux formés et plus habitués à la gestion administrative.

La solidarité de proximité se manifeste autant à travers le support d'associations, souvent soutenus par les bailleurs sociaux, que de manière informelle sous des formes d'auto-organisation entre voisins, résidents, membres d'une communauté...

La société a besoin d'intergénération et de fluidité

Lorsqu'une municipalité ou une entreprise de services décide d'agir en faveur du confort des aînés, loin de léser les plus jeunes, elle contribue au contraire à améliorer leur situation. D'abord, sur le plan du quotidien et de l'amélioration des conditions de vie. Car, insistons à nouveau, ces actions ne sont pas nécessairement réservées aux seules personnes âgées. Ainsi, améliorer l'accès aux bus dans une ville, par exemple en systématisant les plates-formes plutôt qu'un système de marches, favorise les plus âgés mais concerne aussi les personnes en situation de handicap, celles et ceux qui poussent un landau ou portent de lourdes charges, les enfants, les personnes qui portent des jupes longues...

Des personnes plurielles

La question de l'intergénération s'inscrit dans un contexte de revendications identitaires portées par des minorités sociales et ethniques. Ou effectuées en leurs noms. Cette approche réduit les individus à une seule caractéristique, comme la couleur de peau, la religion, l'âge... Sauf que nous sommes des personnes plurielles. La première édition de l'Observatoire des identités[1] montre que l'âge n'est pas la dimension première de l'identité. Ainsi, à la question « diriez-vous que votre identité repose d'abord sur... ? », l'âge ne vient qu'en 6e position, avec 16 % de citations. En premier, reviennent, avec 45 % de citations, « vos valeurs, vos idées », puis les expériences vécues (37%). La même étude montre, à la question « diriez-vous que vous vous sentez avant tout proche des personnes », la primauté d'une vision commune du monde, avec 58 % de citations. La génération et le milieu social suivent avec 33 % de citations. Bref, l'âge et la génération importent en tant que vecteurs de proximité mais ne paraissent pas devoir être des facteurs propres à enclencher un choc générationnel.

@Guerin_Serge

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », président de l'Agence des MCA, auteur de Les quincados, Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.