Dans le n° 129-juin 2021  - Partie I  11967

Intergénération ou nouvelles coopérations ?

Les tensions nées de la catastrophe pandémique vont-elles faire resurgir la guerre des générations ? C'est un thème qui monte dans les médias et dans l'espace public.

Cette question vient s'appuyer sur un discours puissant qui cherche à focaliser les contradictions politiques, sociales et culturelles qui traversent le corps social sur la question des générations. Alors que l'alliance entre les générations peut apparaître comme une des rares structurations politiques et sociologiques positives du pays, les fractures générationnelles ne sont-elles pas en train de se renouveler à l'aune de la Covid ?

La catastrophe pandémique que nous traversons depuis plus d'un an a en effet libéré une parole « anti âge ». La Covid-19 restera le symbole d'une agression caractérisée contre les seniors, les aînés, les vieux, les fragiles...

Les plus âgés sont les principales victimes du virus. En France, selon le bilan de Santé publique France d'avril 2021, 81,6% des morts de la Covid à l'hôpital avaient plus de 70 ans (ils représentent 15% de la population). A 58%, ce sont des hommes (qui représentent 48% de la population totale). Au-delà de ces drames humains, les aînés ont dû aussi faire face à l'aggravation de leur isolement et à ses conséquences délétères. Mais si les seniors ont été protégés en priorité, certains les désignent comme responsables de la situation, fauteurs de crise économique au détriment des plus jeunes, causeurs de confinement, fragiles en trop, pousses au couvre-feu... Il y a toujours des volontaires pour tenter de (re)jouer la guerre des générations, des « guerriers » qui se reposent sur un discours centré uniquement sur l'âge comme facteur de fragilité face à la Covid.

Pendant plus d'un an, nous avons été abreuvés de paroles associant seniors et risques de mortalité face à la Covid. De manière continue, médias et médecins n'ont cessé d'expliquer que les jeunes étaient protégés et que ce n'était qu'une maladie de vieux...

Un risque de conflit

C'est dans ce contexte qu'un sondage Odoxa fait valoir, en 2021, que 58% des Français pensent qu'il y a un risque de conflit intergénérationnel[1]. La preuve établie que le choc des générations menace... Est-ce si évident ? Notons que la question posée ne peut que donner des résultats de ce type. D'abord parce qu'au regard de la déprime sociale française[2], chaque question sur notre avenir collectif induit un « ce sera pire »... Aucune raison qu'il en soit autrement pour l'intergénération. Sans doute que si la question avait été plus fine et plus expérientielle comme « dans votre expérience récente, avez-vous vécu ou été témoin d'opposition entre les générations ? », le score eut été différent.

Notons aussi que quelques mois auparavant, le même institut avait réalisé une enquête pour La Cohorte, revue de la société de la légion d'honneur. Elle montrait que 75% des Français estiment que les relations entre les générations tendent à s'affaiblir... En comparant les deux sondages, nous notons davantage une progression de l'optimisme que la question de l'intergénération...

Mais au-delà de ces sondages, de ces images et de ces discours, qu'en est-il vraiment ?

Avec le philosophe P.-H. Tavoillot, nous avions publié La Guerre des générations aura-t-elle lieu ? [3] Pour cet ouvrage, nous étions partis d'une enquête et des travaux multiples pour montrer la diversité des liens intergénérationnels et de formes plurielles d'alliances entre générations. Cette réalité reste-elle structurante, y compris après la catastrophe de la Covid ? Nous y reviendrons le mois prochain...

@Guerin_Serge

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », président de l'Agence des MCA, auteur de Les quincados , Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.