Dans le n° 90-mars 2018  9799

Habiter, bien vieillir, soutenir

Choisir entre le déni du vieillir ou le désir du bien vieillir. Le premier, idéologiquement dominant, repose sur une culture d'injonctions hygiénistes, sur des représentations sociales de l'avancée en âge hyper négatives, et sur la conviction partagée par les élites, les médias et une part importante du corps social qu'une société qui prend l'âge forme une malédiction économique, une défaite culturelle, un échec moral.

Michel de Certeau signalait que la technologie devait nous faire oublier, la maladie, la faiblesse et la mort [1]. C'est-à-dire les trois adjectifs associés pour beaucoup au vieillir...

Comment définir le bien vieillir ?

S'agit-il de " vieillir longtemps " ou de " vieillir jeune " ? Est-ce d'abord d'être en forme, de plaire, de faire jeune ? A l'inverse, bien vieillir, ce n'est pas battre des records sportifs, s'affronter avec des plus jeunes, récuser son âge, jongler entre déni et défi, courir après une jeunesse perdue... En tous cas, cela ne résume pas pour l'immense majorité des personnes l'intérêt de bénéficier d'une vie plus longue. L'enjeu n'est-il pas de vieillir dans la convivialité, de développer des liens sociaux, de participer à la vie commune, d'être un contemporain ? Bien vieillir serait en premier lieu, la capacité à avancer en âge en bonne forme et en acceptant, avec un minimum de recul, les années qui s'ajoutent. La problématique d'une avancée en âge sereine repose sur la capacité à maintenir et développer le plaisir et le sens de vivre, à entretenir un capital social , au sens de Robert Putnam, où il s'agit de la capacité de l'individu à rester en lien avec les autres, avec ses semblables [2]. Bref à se sentir bien dans sa peau, bien avec son âge, bien dans sa relation au monde. Un monde qui se compose de diverses générations.

L'enjeu du bien vieillir ce n'est pas de répondre à une norme imposée par la société jeuniste où le " bon vieux " serait celui qui ne gêne personne, qui reste jeune, qui se met en retrait du jeu social. Et qui ne coûte rien à la société. L'enjeu n'est pas non plus de chercher à imposer une autre norme qui soit juste l'opposé du jeunisme. La démarche vise à répondre aux attentes et besoins évolutifs des personnes en évitant la stigmatisation et en accompagnant un parcours favorable à la poursuite de l'autonomie.

Favoriser l'autonomie

Le bien vieillir se doit de s'inscrire dans une dynamique, une attitude, une manière de vivre dans l'histoire, tout en préservant, dans la mesure du possible, des capacités physiques et neurologiques favorisant l'autonomie. Dans cette optique, l'habitat est un axe central -et même identitaire- pour les personnes qui avancent en âge. Dans une perspective d'autonomie, le triptyque logement-habitat-environnement participe d'une approche globale que l'on pourrait résumer sous le terme d'éthique concrète de la sollicitude.

La notion du bien vieillir repose à la fois sur une appropriation individuelle et sur l'invention d'un récit collectif en faveur de la société de la longévité et de l'intergénération.

Serge Guérin

Sociologue, Professeur à l'Inseec, où il dirige le MSc " Directeurs des établissements de santé ".

Dernier livre " La guerre des générations aura-t-elle lieu ? " chez Calmann-Levy

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