Dans le n° 123-décembre 2020  - PARTIE II  11416

Distance et seniorisation de la société

Dans la première partie de ma chronique, j'avais mis en avant le renouveau de la question de la distance et des pistes nouvelles autour de structures itinérantes et de services de proximité en maisons de retraite. C'est aussi ce que montre l'étude réalisée pour la Fondation Korian par Ipsos.

Pour la grande majorité des seniors, la mise à disposition de solutions itinérantes serait utile, et permettrait de répondre à la mauvaise accessibilité de leur ville. Ils soulignent l'utilité de services publics itinérants pour aider dans les démarches administratives (83% dont 36% qui considèrent qu'il serait essentiel de mettre ce service en place), alors que la dématérialisation des démarches laisse une partie de la population démunie, et pas seulement les seniors.

Il faut aussi « penser avec les pieds » !

Le numérique, fort utile évidemment, ne répond pas aux usages de tous, y compris auprès de populations dites jeunes. C'est également le cas des cabinets médicaux itinérants (77% dont 31% « essentiel ») qui pourrait permettre de palier les déserts médicaux, mais aussi des commerces et services culturels itinérants (bibliobus, camionnette boulangerie, épicerie...) (77% dont 28% essentiel) ou encore un service de covoiturage/navette collective/cars scolaires dédiés aux personnes âgées après dépôt des enfants à l'école (73% dont 27% « essentiel »). Un mouvement en ce sens est déjà visible sur nombre de bassins de vie, souvent soutenus par les collectivités territoriales. Les plus jeunes sont encore plus convaincus de l'utilité de ces services de proximité, qui leur manquent souvent au quotidien. La France périphérique, mise en avant il y a déjà 15 ans par le géographe Christophe Guilluy[1], c'est en grande partie ce manque de services aussi perçue comme un manque de considération. Notons que le confinement a permis de mesurer très concrètement la nécessité vitale du commerce de proximité, l'importance des circuits courts.

La maison de retraite, coeur de services

Lorsque l'on évoque la proximité, on oublie que 69% des séniors déclarent vivre à moins de 5 km d'une maison de retraite et 31% à moins de 2 km. Pourquoi ne pas y installer des services pour tous ? C'est une grande originalité de l'étude d'avoir interrogé sur les services qui pourraient être mis à disposition de tous dans les maisons de retraite situées à proximité. Les séniors sont particulièrement intéressés par les services comme un point d'accès aux services publics (64%) ou un médecin/une maison de santé (63%), mais aussi un distributeur de billets (61%), un parc/jardin (60%) ou un marché (59%). L'intérêt est logiquement encore plus fort lorsque ces services sont perçus comme faisant défaut à proximité. L'étude montre que les plus jeunes sont aussi motivés par ces services en maisons de retraite : 77% par un point d'accès aux services publics, 74% par un commerce, 67% par un restaurant... Cet intérêt est équivalent chez les 15-24 ans ou chez les 55-64 ans.

Les moins de 65 ans se montrent d'ailleurs plus intéressés que leurs aînés par les services qui pourraient être proposés par les résidents des maisons de retraite, comme un service de retoucherie (60% contre 46%).

A travers ces chiffres et l'analyse des évolutions récentes, une fois de plus, nous pouvons rappeler combien la société est plus allante que les pouvoirs étatiques pour inventer une société des âges et de la seniorisation, à la fois adaptée aux personnes et topophile !

Serge Guérin

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », auteur de Les quincados, Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.