Dans le n° 104-mai 2019  - Marc Bourquin, Conseiller Stratégie Fédération Hospitalière de France  10455

Des signes tangibles sont nécessaires dès 2019. Les pouvoirs publics ne peuvent pas trouver 9 milliards d'€ en quelques mois. Mais ils doivent indiquer les modalités de ces moyens nouveaux.

Directeur du pôle médico-social de l'ARS Ile de France pendant 10 ans, Marc Bourquin a rejoint la FHF en février dernier, comme conseiller stratégique auprès de la déléguée générale Zaynab Riet, particulièrement chargé de l'organisation des parcours, de la proximité, des coopérations et des territoires. Il nous livre sa vision.

Les avis sont unanimes sur la qualité du rapport remis par Dominique Libault. Quel est le point de vue de la FHF ?

« La forme, c'est la qualité qui remonte », disait Victor Hugo. Le rapport de Dominique Libault est remarquable à bien des points de vue, sur la forme comme sur le fond. A commencer par la méthode utilisée, notamment avec les groupes de travail nationaux, la concertation et les sondages numériques, les visites pratiquées en région. Il trace des perspectives claires et embrasse de manière globale les différentes dimensions du grand âge. Même le titre du rapport est juste car le sujet n'est pas le vieillissement mais le grand âge. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'une proportion importante de la population dépasse 80 ans. Nous devons répondre précisément à cette question car elle pose des problèmes spécifiques. D'ailleurs, les pistes du rapport sont précises et chiffrées. Bien sûr, les 175 mesures ne sont pas toutes étayées de la même manière mais notre sujet aujourd'hui est de savoir comment on traduit ces orientations fortes en réalités concrètes, réglementaires et législatives, ou en mises en oeuvre organisationnelles et financières.

Ce rapport a l'avantage de proposer un changement de paradigme dans la manière d'organiser concrètement l'offre en partant des attentes des personnes et non pas seulement des besoins. Et il identifie des moyens pour nourrir ce changement. Il entend enfin travailler sur les ressources humaines, c'est à dire le chantier de l'attractivité des métiers à 360°, intégrant les questions de rémunération, la qualité de vie au travail, la promotion et l'image professionnelle, les nouveaux métiers...

Il va maintenant falloir entrer dans le détail...

Oui et ces thématiques sont d'une très grande technicité. Les pouvoirs publics devront faire des arbitrages mais il faut comprendre que si la mesure de l'attractivité n'est pas l'unique sujet, rien n'est possible sans ce travail préalable. Aujourd'hui, les difficultés de recrutement, de turn-over, d'absentéisme, de qualité de vie au travail ressentie comme insuffisante avec des taux d'accidents du travail supérieurs au bâtiment sont une condition sine qua non de réussite. Les pistes pour cela sont multiples et complexes. On ne peut pas traiter le sujet du grand âge indépendamment du champ sanitaire, et en même temps, il faut bien faire émerger certaines professions de l'accompagnement centrées sur la capacité à identifier et évaluer les attentes des personnes. Ces métiers n'existent pas aujourd'hui intégralement.

La question de l'image enfin est essentielle. Ces métiers ne peuvent plus être considérés comme des métiers de seconde zone.

Quels sont les prochaines étapes et le calendrier prévisionnel ?

L'architecture de travail des mois prochains reste à définir. Agnès Buzyn a annoncé qu'elle voulait une mission spécifique sur l'attractivité des métiers mais nous n'avons pas entamé les discussions sur les autres sujets, techniques et fondamentaux, qu'il s'agisse du reste à charge, de l'organisation de l'offre, de la tarification, de la gouvernance, des moyens financiers... pour lesquels il faut distinguer le court terme du long terme. Des signes tangibles sont nécessaires dès 2019. Les pouvoirs publics ne peuvent pas trouver une somme de 9 milliards d'euros en quelques mois. En revanche, il faut qu'il y ait assez vite des engagements précis et programmés dans le temps indiquant les modalités d'attribution de ces moyens nouveaux. La FHF est favorable à l'idée d'utiliser des ressources à court terme, et notamment d'accélérer l'Ondam personnes âgées dans les années à venir et de réaffecter dès 2024 la Cotisation de Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) au financement des aides en faveur du Grand Âge.

Une des mesures essentielles pour les « Maisons du Grand Âge », nouveau nom donné aux EHPAD, ce sont les 25% d'augmentation de moyens. Si on veut atteindre cet objectif d'ici 2024, il faut commencer dès maintenant.

Faut-il recentrer les pouvoirs sur les départements ?

Il s'agit d'un débat entre pouvoirs publics. A la FHF, nous souhaitons un socle de solidarité élevé et une équité territoriale la plus forte possible. Par ailleurs, il y a matière dans le champ médico-social à simplifier la gouvernance. Le fait qu'on ait deux autorités de tarification et de contrôle n'est peut-être pas l'élément le plus aisé. Le rapport Libault énonce trois hypothèses de travail : la première renforce les prérogatives des ARS, la seconde, celles des conseils départementaux, et la troisième propose que les territoires se mettent d'accord localement. Il faudra être vigilant à ne pas créer des inégalités territoriales supplémentaires, même si aujourd'hui les ressources d'assurance maladie ne sont pas réparties de manière équitable sur tous les territoires. Les principes d'équité et de simplicité doivent prévaloir. Sans oublier le parcours de soin, qui est aussi sanitaire et social. Le choix de l'institution publique assurant la gouvernance est donc fondamental.

La FHF a fait de l'innovation en santé son thème central lors de la Paris Healthcare Week, quels sont les enjeux aujourd'hui ?

Nous travaillons actuellement dans le cadre de Silver Eco à essayer d'identifier quelques familles de produits utiles pour les usagers. On voit une véritable explosion d'offres, de solutions. Le sujet est d'identifier les familles de produits ou de services présentant un intérêt réel. C'est l'offre qui va permettre de développer les usages. Il faut donc être en veille sur le futur Airbnb ou uber de la silver économie. Les pouvoirs publics doivent pouvoir dire « ce nouvel usage » est à développer et devrait faire partie des paniers de services financés par la collectivité. C'est important car cela va permettre aux acteurs de mieux se repérer mais aussi de créer un véritable écosystème autour de la silver économie. Si vous développez un dispositif génial mais qu'il est installé dans deux "Maisons du Grand Âge", cela ne sert pas à grand chose, et on ne fait pas d'économies d'échelle. L'objectif est de faire baisser les coûts et d'installer un système de maintenance qui fonctionne pour que les nouveaux outils se déploient et apportent un réel bénéfice aux professionnels et aux personnes âgées

La psychogériatrie apparaît comme un nouvel enjeu. Les professionnels en EHPAD ne semblent pas formés et sont débordés par l'émergence des pathologies psychiatriques. Quelles sont les alternatives ?

Sur les 87% de personnes présentant des troubles psychiques, près de 75 % ont des troubles cognitifs. Reste néanmoins la question des personnes handicapées vieillissantes présentant un trouble psychique. Il y a pour elles plusieurs alternatives : les structures pour personnes handicapées adaptées à l'âge tout d'abord. Mais il ne s'agit pas de transformer les foyers médicalisés en Ehpad. La 2è solution est de faire appel au domicile ou en établissement à des équipes mobiles qui apportent le soin nécessaire. Enfin, la troisième alternative est de développer les structures de psychogériatrie ou pour personnes handicapées vieillissantes au sein des EHPAD, avec des moyens renforcés. Il faut bien sûr améliorer la formation de base pour tous les soignants mais aussi développer des unités spécifiques.

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