Dans le n° 134-décembre 2021  -  1ère partie  12421

Covid, care, virage domiciliaire : quand une transition en cache une autre (I)

La crise de la Covid aura remis en valeur et en actualité les questionnements autour du care. Mais pour quelle politique de la longévité ?

La visibilité nouvelle des soignants, les questionnements sur la crise de l'hôpital, la situation des Ehpad, la pénurie aggravée des ressources humaines ont été tout en haut de l'agenda politico-médiatique. Le Ségur de la santé a voulu prendre en compte ces réalités. On peut discuter des masses financières et des allocations choisies, on peut surtout regretter le manque de vision globale et l'absence d'une politique de la longévité.

Une des pistes à interroger et à investiguer reste celle du care, en la situant aussi dans la perspective de la préservation de la planète et dans la réflexion sur l'évolution des besoins en compétence professionnelle autour de la santé au sens global, de la prévention et de l'attention à la qualité de vie.

Rappelons d'abord que le care ou l'éthique de la sollicitude renvoie à une approche du monde qui met en avant les liens et les interdépendances. Il s'agit d'une morale de l'attention. Emmanuel Levinas évoquait la « non-indifférence du prochain » pour exprimer les liens de proximité qui unissent les êtres humains. C'est le « nous sommes » de Camus. Cet essai se centre sur une société en mouvement qui ne fonctionne pas seulement sur la victimisation, l'individualisme communautaire, la recherche d'un intérêt égoïste, mais qui se mobilise, y compris dans les espaces marqués par la précarité, le regroupement des classes populaires et la fragilité économique, sociale, culturelle ou de santé. Mais son ressort provient de la conviction que la société est le produit d'un « processus d'institution symbolique d'un espace d'appartenance et d'un monde commun(1) ».

De l'individuel au collectif

Penser un monde commun revient à s'obliger à s'inscrire dans une logique de prise en soin des fragilités des personnes, de faire de la prévention un principe central. Les fragilités, la prévention sont des sujets individuels et collectifs. Ils prennent en compte les questions de santé mais aussi celles de l'environnement, de la lutte contre le réchauffement climatique... La santé de l'individu n'est pas indépendante de la santé de la Terre. Bien au contraire. Le réchauffement climatique, la montée des eaux, la multiplication des catastrophes environnementales sont autant de menaces - déjà bien réelles - qui pèsent sur les êtres humains, et d'abord les plus fragiles, les moins protégés et les plus pauvres. Sur ce plan, le logement est à l'intersection des enjeux : acteurs de la prévention et de la santé des habitants, acteurs de la lutte contre le réchauffement et la pollution au bénéfice de l'ensemble des habitants de la planète...

Le détour par une pensée du care relève d'une démarche qui prend au sérieux et comme réalité concrète et tangible nos interdépendances qui obligent, dans un même mouvement, au souci de soi et aux soins des autres. Nées de réflexions de féministes américaines, les théories du care ne sont pas une morale de femmes, mais une marque de l'attention, pour reprendre un terme de Simone Weil. Il s'agit de la recherche de l'articulation de la dimension éthique de la prise en compte de la fragilité, dans sa globalité, et de la dimension sociale et politique de la précarité, dans son entièreté. Si le care n'a pas été pensé comme une attention à l'écologie, on peut faire un lien entre les deux : une double attention à la personne et à son environnement car les interdépendances sont aussi celles entre l'être humaine et son milieu. C'est la notion de care environnemental qui se développe sur un plan théorique comme dans les expériences menées sur divers terrains, comme celui du logement social. Sur ce plan, la notion de « one health » qui entend, en particulier pour lutter contre les menaces virales, prendre en considération médecine, médecine vétérinaire, écologie et sciences humaines, pourrait être féconde.

À condition de partager une vision commune de la connaissance.


01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.