Dans le n° 99-décembre 2018  - Restauration  10159

Comment concilier lutte contre la dénutrition et réduction du gaspillage alimentaire ?

La lutte contre la dénutrition est une préoccupation constante en EHPAD. Proposer des produits adaptés, de bonne qualité et en juste quantité, est en effet un enjeu majeur auquel s'ajoute désormais la volonté de réduire le gaspillage alimentaire. Comment concilier ces exigences ? Géroscopie fait le point. C'est le dossier du mois.

Lutter contre la dénutrition, pour prévenir la perte d'autonomie

Il est aujourd'hui clairement établi que le risque de dénutrition augmente avec l'âge. 45% des résidents d'EHPAD, soit environ 270 000 personnes, sont en situation de dénutrition, un phénomène qui s'est installé progressivement depuis le domicile ou a pu être provoqué par une hospitalisation soudaine. Si la situation n'est pas dépistée, les conséquences sont souvent graves (chutes, escarres, troubles cognitifs, affaiblissement et altération de l'état général...), voire dramatiques puisque la dénutrition multiplie par 3 ou 4 les risques de mortalité.

Des repères validés et reconnus

La prévention de la dénutrition est aujourd'hui travaillée en EHPAD. C'est ainsi que nombre d'établissements proposent des repas en « manger main », veillent à la qualité de l'accueil et de l'atmosphère de la salle de restauration pour susciter l'envie de s'y rendre et de partager un instant convivial. Il est aussi utile de vérifier que les personnes ont la capacité de mâcher les aliments sans douleur. Les nutritionnistes conseillent de choisir des aliments dont le diamètre est inférieur à ce qui peut être absorbé, de nettoyer la bouche quotidiennement, et de favoriser l'autonomie en développant l'envie de manger seul grâce à du matériel adapté.

Améliorer la répartition des apports énergétiques

Adapter l'alimentation en EHPAD, c'est aussi travailler les heures de repas et leur pertinence. C'est ainsi que Restalliance , via son Institut Nutrition, a m ené durant près d'un an, en partenariat avec le réseau Oméris, une étude auprès de 82 résidents. L'idée : cartographier un établissement pour mieux comprendre les profils de mangeurs et lutter contre la dénutrition et le gaspillage alimentaire. Après avoir identifié un EHPAD pilote, le Cercle à Sathonay Camp (69), répondant à divers critères d'engagement des équipes notamment (un directeur impliqué sur cette problématique, des équipes soignantes et un médecin coordonnateur motivés, un cuisinier et des équipes stables), un audit nutritionnel a été réalisé. 82 résidents ont ainsi été observés du matin au soir durant sept jours consécutifs. Avec pour première conclusion que si les établissements ont obligation de servir 2 000 calories par jour, en réalité seules 1 600 sont en moyenne consommées. « D'ailleurs si les EHPAD respectent les recommandations du GEMRCN 1 , 40% des denrées sont jetées », indique Aline Victor, vice-présidente de l'Institut Restalliance et responsable Nutrition chez Restalliance. En cause, des facteurs multiples : une perte d'appétit qui peut être liée à l'entrée en institution, des troubles cognitifs, une baisse de la perception des saveurs comme des odeurs, des médicaments qui altèrent le goût, une perte d'envie...

Identifier des profils de mangeurs

« L'étude a permis d'identifier des mangeurs variés qui doivent être appréhendés chacun selon leurs spécificités », ajoute Aline Victor. « D'abord les mangeurs normaux. Ils absorbent les 2000 calories quotidiennes. Il est donc essentiel de leur servir les bonnes quantités. Les petits mangeurs ensuite. Ils réduisent leurs apports au fur et à mesure. Ils sont à risque de dénutrition. Il existe aussi des petits mangeurs morphologiques. Ils n'ont jamais beaucoup mangé mais ne sont pas dénutris. Enfin les personnes qui mangent en textures modifiées. Pour chacun une offre alimentaire doit être définie. »

Des repas singuliers, des menus valorisés

Il semble nécessaire de repenser chaque repas. C'est ainsi que l'étude a permis de révéler que le petit-déjeuner, repas généralement apprécié par les résidents, peut évoluer. « Souvent, on raisonne par habitude, surtout du personnel. On oublie de diversifier, de proposer d'autres mets, de varier les plaisirs » se désole Aline Victor. « On a également observé que des personnes mangeaient normalement au petit-déjeuner et se retrouvaient en textures modifiées pour les autres repas. Il est donc important de redonner un cadre : le petit-déjeuner peut être varié, riche, et la personne sollicitée (ne pas seulement poser le plateau dans la chambre). »

Le déjeuner est quant à lui très apprécié des résidents. C'est un repas important. Il se prend généralement en salle, le personnel est présent et l'ambiance souvent conviviale. Il doit représenter 80% des apports protéiques de la journée si l'on suit le raisonnement du régime pulsé. C'est vraiment un repas à valoriser. « Pourtant, nous avons constaté des consommations, notamment du plat chaud, légèrement inférieures aux grammages servis », ajoute Aline Victor. « Pourquoi ne pas casser les codes et proposer le plat chaud avant l'entrée ? ».

En revanche, le goûter semble inutile pour nombre de résidents qui manquent d'appétit quelques heures à peine après le déjeuner. Habitude institutionnelle plus que culturelle, il peut être remplacé par une simple boisson proposée autour d'une animation. « C'est ainsi qu'avec notre partenaire Unilever, nous avons conçu une animation autour du thé, ses senteurs, ses origines... », s'amuse Aline Victor. « Et ça marche très bien ».

Enfin le dîner permet de capitaliser sur l'apport énergétique, notamment via les potages. Le menu du soir est ainsi proposé aux petits mangeurs en version potage complet. Un repas de petit-pois lardons, une paella ou un hachis parmentier se transforment en veloutés.

Enfin la collation nocturne vient remplacer le goûter non servi. Crèmes enrichies, desserts lactés, compotes emballées sont ainsi proposés à ceux qui le désirent.

Une expérimentation enrichie

Purement opérationnelle, cette expérimentation s'est achevée en septembre 2018. Elle a permis de concevoir des recettes, de caler le service et la mise en oeuvre du dispositif, de créer des outils de dépistage, d'identification du profil des résidents, d'outils pour les aides soignantes. Depuis le 15 octobre et jusqu'à la fin du mois de janvier 2019, les outils sont diffusés et complétés d'informations médicales (prise d'albumine, enregistrement du poids des résidents, enquête de satisfaction, analyse des jetés...). L'idée est bien ici d'établir puis de diffuser un référentiel commun dans tous les établissements. « Ces dispositifs seront enrichis et complétés de modules de formation, d'outils de communication, de nouvelles pistes de réflexion... ». Car l'objectif commun est bien de lutter contre la dénutrition et de réduire le gaspillage alimentaire.

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