Dans le n° 73-octobre 2016  -  Interview - Geneviève Gueydan  5878

Avec la loi ASV, les réformes dans le champ de l'âge sont nombreuses et d'ampleur

Directrice générale de la Caisse Nationale de la Solidarité pour l'Autonomie (CNSA), Geneviève Gueydan revient pour Géroscopie sur les réformes en cours et les ambitions affichées de la CNSA.

Une nouvelle convention d'objectifs et de gestion 2016-2019 a été signée le 25 avril dernier. Quels sont les axes principaux pour améliorer les réponses aux personnes âgées ?

G. Gueydan : Cette COG est structurée en cinq chapitres, mais ce qu'il faut noter avant tout, c'est son périmètre élargi par rapport à la précédente pour intégrer les nouvelles missions confiées à la CNSA par la loi d'adaptation de la société au vieillissement : la qualité de service et l'équité de traitement des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (animation des équipes médico-sociales et référentiel d'évaluation multidimensionnelle), les conférences des financeurs et la politique d'aide aux aidants, la labellisation des maisons départementales de l'autonomie, le portail d'information et d'orientation des personnes âgées et de leurs proches, les nouveaux financements prévus par la loi (concours conférence des financeurs et forfait autonomie). Outre ces " nouveaux " chantiers, la CNSA en poursuivra d'autres, déjà engagés, pour améliorer les réponses aux personnes âgées : le financement d'études pour améliorer la connaissance des besoins, le développement des services polyvalents d'aide et de soins à domicile, les réformes tarifaires, la réforme du régime des autorisations des services d'aide à domicile, la généralisation des contrats pluriannuels d'objectif et de moyens (CPOM), l'appui à la formation des professionnels...

100 millions d'euros sont attribués à la poursuite de la médicalisation des EHPAD. Quel est le constat concernant les établissements ?

G. Gueydan : Depuis le début du plan Solidarité grand âge, 1,9 milliard d'euros ont été alloués à la médicalisation des EHPAD. C'est un effort important, qui témoigne de la volonté d'améliorer les services aux personnes âgées. En 2016, 100 millions d'euros y sont consacrés. Ces moyens spécifiques permettent de rapprocher un certain nombre d'établissements du tarif plafond : au 31 décembre 2015, les EHPAD au tarif global étaient financés en moyenne à 96,2% de la valeur plafond et ceux au tarif partiel à 95,8% en moyenne.

La réforme de financement des EHPAD applicable à compter de 2017 va permettre de poursuivre l'effort global de médicalisation. L'option de passage des ehpad au tarif global a été réouverte. Pourquoi ce revirement ? Si tous les établissements passaient au tarif global, la situation ne serait-elle pas plus claire ?

G. Gueydan : L'accès au tarif global pour de nouveaux établissements avait été gelé en 2011, dans un souci de maîtrise de l'évolution des dépenses et d'évaluation de son impact, et du juste calibrage des dotations. La mission menée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en octobre 2011 et celle qui l'a complétée en 2013 ont conclu que cette option présentait un intérêt significatif pour la qualité et l'organisation de l'accompagnement des personnes, en particulier pour les EHPAD avec une pharmacie à usage intérieur (PUI) ou pour les établissements engagés dans un projet de fusion ou de coopération avec d'autres établissements au tarif global. ? Les lois de financement de la Sécurité sociale prévoient, depuis 2014, une enveloppe annuelle de 10 millions d'euros pour financer une réouverture dite maîtrisée du tarif global en EHPAD. ?

Certaines expérimentations sont très positives, comme les IDE de nuit en EHPAD mais elles s'arrêtent simplement parce que les études médico-économiques tardent. N'y a t-il pas moyen de pérenniser ces crédits ?

G. Gueydan : Les agences régionales de santé (ARS) soutiennent régulièrement des dispositifs expérimentaux, en mobilisant pour ce faire des crédits non reconductibles, c'est-à-dire dont elles disposent de façon ponctuelle. Les expérimentations comme celles que vous citez (astreintes d'infirmiers de nuit en EHPAD, souvent mutualisées entre plusieurs établissements), qui visent à prévenir des hospitalisations en renforçant la capacité d'évaluation et de prise en charge des situations en EHPAD, sont menées en effet dans plusieurs régions. Elles commencent aussi à faire l'objet d'évaluations menées par les ARS, rapprochant le coût de ces dispositifs et leur impact. C'est en consolidant ces évaluations, dont la CNSA ne dispose pas à ce stade, que l'on pourra disposer d'une vision globale et argumentée, susceptible d'être prise en compte dans le processus de calibrage des moyens dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. Ce type de démarche pourrait relever, dans le nouveau système de financement, des financements dits complémentaires susceptibles de s'ajouter à la dotation soins calculée de façon forfaitaire.

Comment voyez-vous le développement des groupes d'EHPAD commerciaux dans l'activité de soins à domicile. N'y a-t-il pas un risque pour les petites associations ?

G. Gueydan : Certes, le secteur privé commercial investit petit à petit le secteur des soins à domicile, mais cela reste limité. Le secteur privé à but non lucratif reste bien le secteur majoritaire. Il compte plus de 88 700 places, contre 2 300 pour le secteur privé commercial. Quant à la question de la taille des services, elle ne concerne pas seulement les associations. Quel que soit le secteur, les petites structures sont souvent fragiles. D'où l'incitation des autorités de tarification à se regrouper, à mutualiser des fonctions ou à rejoindre de plus gros gestionnaires afin d'atteindre un volume d'activité suffisant et de mutualiser certaines charges. Un enjeu d'avenir est probablement aussi dans le développement sur les territoires de coopérations pour offrir une palette de services complète à domicile et créer des passerelles entre SAD et EHPAD.

Combien reste-t-il d'établissements devant opérer une convergence tarifaire ? Et quel impact sur les établissements se situant au-delà des tarifs plafonds ?

G. Gueydan : Selon le bilan réalisé par la CNSA à fin 2015, 744 EHPAD, soit 10%, sont encore concernés par la convergence tarifaire. Cela représenterait un volume financier de 30,7 millions d'euros. Les établissements situés au-dessus du plafond appartiennent plutôt au secteur public. On constate également que les EHPAD au tarif global sont proportionnellement davantage concernés par la convergence que ceux au tarif partiel. La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement votée en fin d'année dernière généralise un " orfait soins " qui sera calculé en tenant compte du niveau de perte d'autonomie et du besoin en soins des résidents (mesurés à l'aide des outils AGGIR et PATHOS), et vers lequel les dotations convergeront - à la hausse ou à la baisse - pendant une période de 7 ans. Cette modification prendra effet dès 2017 et c'est dans ce cadre et cette temporalité que s'inscrira désormais la convergence progressive.

Vous êtes directrice générale de la CNSA depuis deux ans, quelles réflexions ou sentiments vous inspire ce poste à l'articulation entre l'État et les associations oeuvrant pour le champ médico-social ?

G. Gueydan : Le secteur médico-social, aussi bien dans le champ des personnes âgées avec la loi ASV que dans le champ du handicap, est concerné par des réformes nombreuses et d'ampleur, en termes d'évolution de l'offre pour mieux répondre aux aspirations des personnes, de contractualisation, de tarification. Faciliter l'appropriation de ces réformes par tous les acteurs concernés - associations, gestionnaires, ARS, départements...- est un enjeu majeur, de même que leur mise en place de façon concertée, au niveau national et territorial. Ces évolutions ne sont pas que descendantes : il existe de nombreuses expériences de terrain qui gagneraient à être encore mieux capitalisées et partagées. La CNSA, au carrefour des acteurs de l'autonomie, peut apporter sa contribution à ces deux enjeux très importants pour l'avenir.


Repères biographiques

Agrégée d'histoire et diplômée de l'École nationale supérieure (ENS), de l'Institut d'études politiques de Paris (IEP) et de l'École nationale d'administration (ENA),

Elle commence sa carrière à la délégation à l'emploi comme chef de la mission du Fonds national de l'emploi - FNE (1991-1995) puis devient chef de cabinet et conseillère en charge de la politique de la ville et des politiques locales de l'habitat (1997-2001).

En 2001, elle rejoint le cabinet du maire de Paris, Bertrand Delanoë, comme directrice adjointe en charge des politiques de solidarité

De 2004 à 2012, elle devient directrice générale de la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé de la Ville de Paris.

Depuis mai 2013, elle était conseillère chargée des politiques de solidarité et du logement auprès du président de la République.


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